Reviens-moi - ÉDITÉ

Tome 2 - CHAPITRE 1

ETHAN

« L'incertitude est de tous les tourments, le plus difficile à supporter. »

Alfred de Musset

Voilà des heures qu'un brouillard épais obscurcissait mes pensées. Une sonnerie, quelques phrases, et mon esprit avait basculé dans un gouffre dont je n'arrivais pas à sortir. Proche de la folie, j'attendais, fébrile, impuissant face au sort.

Quelques années plus tôt, j'avais cru l'avoir perdue lorsqu'elle avait disparu sans un mot sans une trace. Entre son père, sa famille, et tout ce qui se dressait entre nous, je n'avais pas fait le poids. J'avais surtout laissé la colère et l'amertume m'envahir jusqu'à ce qu'elles me rongent, me consument. Au point d'en oublier l'essentiel, l'amour que nous partagions. J'avais pensé avancer, j'avais travaillé sans relâche, pris la tête de mon propre établissement et même entamé une relation. Mais tout ça, c'était du vent, un ersatz de bonheur. Un mensonge pour tous. Une trahison à mon cœur.

Je me souvenais parfaitement de chacune des sensations ressenties lorsque je l'avais vu ce soir-là, au bal organisé par son père pour fêter son grand retour. Elle était différente et à la fois semblable. Cette même beauté ensorcelante. Ce regard de jade unique aux reflets d'or. Ce rire qui aurait pu me mettre à genoux. Sa simple présence m'avait rendu fou... Son absence toutes ces années s'était comme effacée, elle était là et c'était tout ce qui comptait. Enfin, c'était ce que j'avais naïvement pensé. Rien n'avait été facile, mais l'amour l'était-il jamais ? Néanmoins, j'étais décidé à me battre pour elle. Pour nous. Pour comprendre. Pour cette vérité qui m'était cachée.

Avec l'aide d'Asher et de son ami inspecteur, j'avais pu reconstituer quelques pièces du puzzle, mais rien n'était encore déchiffrable. Je sentais au fond de moi qu'il me manquait l'essentiel. Pourtant, alors que je lui avais promis de ne plus fuir, j'avais une nouvelle fois failli à ma parole. Rongé par la jalousie, j'avais humilié, bafoué, la femme que j'aimais.

Cette nuit avec elle était peut-être un mirage. Son corps s'unissant au mien, un rêve...

À vrai dire, je n'étais plus sûr de rien. Les dernières heures restaient floues. Je revoyais ma mère passant le pas de ma porte. Le téléphone que je décrochais. La voix de mon frère alarmée. La suite était vague. Ma mère conduisant en silence les neuf minutes de trajet nous séparant du « Norwalk hospital ». Les portes automatiques du centre de trauma. La cacophonie ambiante. Les sirènes et gyrophares. Les infirmières criant des ordres. Et Asher au loin, installé sur une chaise, le visage défait, les yeux rougis et larmoyants. Son approche. Les bras qu'il avait passés autour de mes épaules, la force de son étreinte. Mais tout cela était confus et trouble, comme un moment entraperçu au travers d'un voile brumeux.

Bordel, c'était un cauchemar !

Depuis, je patientais, percevant de temps à autre la voix lointaine de mon frère ou de ma mère m'interpeller. Les ténèbres me guettaient toutes proches, prêtes à m'engloutir. C'est alors que je le vis. Cet homme en qui j'avais placé ma confiance, celui qui n'avait pas tenu sa promesse. Sombrant dans la folie, je me ruai tel un forcené contre l'unique responsable. D'un coup de poing magistral, je l'envoyai au tapis au milieu du hall des urgences.

— Tu devais la protéger, hurlai-je, ivre de rage, elle te faisait confiance !

Aucune de mes pensées n'était claire, hormis celle qu'elle n'était pas là et lui si. Tout d'abord surpris, l'homme ne réagit pas lorsque son corps heurta le sol et qu'à califourchon sur son buste je m'agrippai à lui de toutes mes forces. Il devait payer !

La colère obscurcissait toute ma raison. Je lui assénai un deuxième un coup, espérant vainement que cette souffrance qui me lacérait se tarisse. Je m'apprêtai à réitérer mon geste quand on m'attrapa et me tira de force en arrière. Je me débattis jusqu'à ce qu'une voix autoritaire à nos côtés se fasse entendre et me ramène à l'instant présent. À cet hôpital et à tous ces gens apeurés autour qui dardaient sur nous un regard horrifié.