Chapitre 6

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Quelques jours après sa disparition

Dans le froid automnal du mois de novembre, nous marchons à l'unisson. Nos pieds trainent péniblement sur le sol caillouteux. Lentement, nous nous déplaçons tels des automates. Vidés de toutes émotions, nous sommes là perdus dans le vague de nos pensées. Nous nous demandons tous si nous sommes vraiment là. Est-ce que tout cela est vrai ? N'est-ce pas un cauchemar ?

Nous nous arrêtons devant la tombe de mes grands-parents. Les parents de mon père. Devant est disposée une urne cubique où sont inscrites les initiales de mon père. Ces lettres jaunes dorées gravées sur cette urne en pierre. Et, puis ces deux dates situées en dessous:

1957-2016.

La date de naissance et celle de mort. Une nouvelle fois mon estomac se serre. Une nouvelle fois je me prends une gifle fulgurante dans la figure. Je me rends compte de nouveau qu'il est parti, que tout ça est vrai, et que rien ne pourra changer cette situation terrible. J'aimerai à cet instant partir en courant et hurler à la mort.

Mais je ne fais rien. Je suis là prête à m'effondrer devant cette chose. Devant cette urne qui contient les cendres de mon père. Du haut de mes dix-huit ans, je reste debout, je ne faibli pas. J'avance jusqu'à l'urne. J'embrasse ma main et je la dépose délicatement sur les lettres de son prénom. Une larme coule le long de ma joue. Je laisse place au reste de ma famille afin qu'il puisse lui dire un dernier au revoir.

La première pensée lucide qui m'est traversée l'esprit : mon père n'aurait pas aimé tout ça. Il n'aurait pas aimé qu'on se morfondre sur une urne. Il n'aurait pas aimé qu'on embrasse cet objet comme si c'était lui. Il n'aimait pas les cérémonies, ni les traditions. Il aurait aimé qu'on en fasse le moins possible pour lui. Ne faisons-nous pas toutes ces cérémonies pour nous même ? Pour ceux qui restent ? Pour les aider à encaisser et à réaliser que la personne n'est plus là ? Pour aider les gens qui sont envie à faire leur deuil ? Pour se sentir mieux ? Pour éviter de culpabiliser d'être toujours vivant ?
Nous voulons toujours le mieux pour nos proches. Mon père pensait qu'être jeté dans une poubelle recyclable était bien suffisant. Que son corps ne lui importait peu puisqu'il n'y serait plus dedans. La mort n'était tellement pas un tabou qu'il y plaisantait d'un humour noir. Il plaisantait sans arrêt sur n'importe quel sujet. Mon père ne connaissait même pas le mot tabou.

J'ai toujours eu l'impression d'avoir mon propre journal satirique à la maison. Il me faisait rire. Il avait une culture générale débordante. Il avait son avis sur tout. Il était toujours sûr de lui. Il ne démordait pas quand il avait raison. Il avouait tout de même ses torts. Au courant des moindres faits divers, il nous racontait à tous les repas les actualités. Il aimait par-dessus tout lire les critiques à propos des politiciens. Il se tordait de rire à les voir tomber. Il n'était même pas énerver de voire toute cette corruption. Il était pliée de rire d'apprendre que ces politiciens véreux s'étaient fait prendre. Quand il ne disait pas que « c'était des pourris », il disait que « c'était bien fait pour ces en***rés ». Sa délicatesse était certes à « travailler » mais il aurait pu faire un bon journaliste satirique.
Malgré nos désaccords sur certains sujets, il acceptait mon opinion. Souvent, il rentrait à la maison et me lançait des pics sympathiques à propos de sujet où nos points de vue divergeaient. Il sortait toujours la petite réflexion au bon moment pour appuyer là où ça fait mal. Ce point où on a juste envie de rétorquer sans forcément réfléchir. Il me faisait parfois sortir de mes gons. Il avait ce don plein de franchise. Ces petites taquineries me manquent. J'aimais tant lorsque nous étions assis dans la cuisine à nous lancer des vannes.

Lorsque je rentre des cours. Je suis dans la cuisine seule. Je regarde la table sous mes yeux. Et je le revois assis en face de moi. Il est là tout souriant en me racontant ses nouvelles découvertes. Si seulement, cela pouvait être plus qu'un souvenir.

Parce que rien ne vaut la vieWhere stories live. Discover now