Chapitre 4

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2 mois après son absence

Je me souviens que lorsque ma mère me l'avait ordonné je trouvais ça idiot. Je ne pensais pas que c'était nécessaire. J'imaginais pouvoir me débrouiller toute seule. Je considérais que j'étais capable de gérer tout ça. C'était difficile pour moi d'envisager que ma mère puisse avoir raison. Elle savait très bien que je n'arrivais plus à supporter toutes mes émotions qui me submergeaient. Telle une spirale infernale, elles me rendaient folles. J'en perdais la tête.

Alors oui, c'était compliqué de devoir aller chez une psychologue. C'est surement le comble pour une étudiante en psychologie. J'ai toujours été quelqu'un de très ouvert d'esprit. Mais songer à la possibilité d'aller consulter, c'était absurde.

Rien qu'en allant là-bas, j'admettais que je n'avais pas la capacité de surmonter ça, seule. Puis, cela remettait en cause mon orientation. Je pensais désormais que je ne pouvais plus faire le métier de psychologue étant moi-même incapable de me gérer. Ayant des problèmes psychologiques, comment pourrai-je être une bonne psychologue ? Tout se bousculait dans ma tête.

Je suis donc allée voir une thérapeute. Pendant les premières séances, j'étais en colère. Je me rendais compte que ça me faisait un bien fou mais l'admettre c'était admettre ma « faiblesse » face à tout ça. Ma fierté était irréversible.

Avant chaque séance, j'étais tendue. Je savais que j'allais devoir parler de ma tristesse, de ma colère mais surtout de la cause de tous ces sentiments. Le décès de mon père. Je n'arrivais pas à extérioriser mon chagrin, mon agressivité et mon impuissance. Le seul endroit où je réussissais à lâcher prise c'était avec la thérapeute.

En fin de séance, je me sentais vidée d'un mon trop-plein. C'était comme si un poids disparaissait de mon corps. Même si au début je n'étais pas pour une thérapie, je me suis rendue compte au fil des rendez-vous qu'il y avait une nette amélioration de mon psychisme après les séances.

Je n'arrivais pas à parler à ma famille par peur de les rendre plus tristes qu'ils ne l'étaient déjà. Alors je me taisais, je gardais tout pour moi. Et un jour ou l'autre, telle une bombe à retardement je finissais par exploser. J'explosais et je blessais tout autour de moi. De cette façon, je transmettais toutes mes émotions négatives à mes proches, mais égoïstement je ne voulais pas le comprendre. J'avais trouvé un moyen d'évacuer ma peine.
J'hurlais à en cracher mes poumons.
Hurler, comme une hystérique. Cela fonctionnait plutôt bien pour moi. Je vidais l'excès de mes ressentiments, et je me sentais mieux.

Cependant, c'était loin de plaire à tout le monde. Je faisais paniquer ma famille. Il n'était plus question d'utiliser cette technique peu compatible avec une vie en société. C'est à ce moment que les séances avec la thérapeute ont été très utiles. Je pouvais dire des réalités sans blesser personne. Je pouvais pleurer sans rendre triste mes proches. Je disais les choses sans utiliser de pincettes.

J'ai alors pris conscience au fil de ces séances que je pouvais très bien devenir psychologue. Je n'étais pas folle. Je venais de perdre un être cher. Je venais de subir un choc soudain. Il n'était pas anormal d'être perdue comme je l'étais.
J'ai alors réfléchis à mon orientation.

Est-ce que j'aimais faire de la psychologie ? Oui, c'était évident.
Est-ce que les cours étaient suffisamment intéressants ? Oui, même si certains ne l'étaient pas du tout.

Le fait d'aller chez une thérapeute m'a permis de me mettre à la place de mes futurs patients. Je sais maintenant ce que pourrai ressentir des patients. Avec ce qui m'est arrivé, cela me permettra éventuellement d'être une meilleure professionnelle.

N'est-ce pas le destin qui m'a permis de me rendre compte de tout ça ? Si mon père était toujours présent, me serais-je rendu compte de cette chance qu'est de vivre ? Aurais-je été aussi mature qu'aujourd'hui ? Ce sont des questions sans réponse mais qui mérite d'être posé un jour. Je ne pourrai jamais changer les faits passés. Je ne peux que vivre qu'avec son absence. Je finirai plausiblement à accepter sa mort, car je n'ai pas vraiment le choix.

Le temps nous le dira.

Parce que rien ne vaut la vieWhere stories live. Discover now