Chapitre 6 - Berlin, Allemagne (Murielle)

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– Il suffit Richard. J'ai pris ma décision. Ce n'est pas parce que j'étais en voyage la semaine passée, ce qui m'a forcée à te laisser les rênes de la banque – la Suisse est un pays beaucoup trop surcoté d'ailleurs, par exemple dans le seul café dans lequel j'ai osé mettre les pieds, bien que la chanson française fut une idée judicieuse, la serveuse était une incapable – bref, que tu as le droit de contester ma décision. Nous n'accorderons pas ce prêt, point final.

Le dénommé Richard ne prit pas la peine de répondre – à quoi bon – et rédigea le mail expliquant à son client que, malheureusement, son dossier ne permet pas à la banque de lui octroyer une avance, même à un taux avantageux.

Murielle Delahaye est une harpie, se dit le vieil homme, mais, il faut lui reconnaître cela, la banque ne s'est jamais aussi bien portée que depuis qu'elle en est directrice.

Malgré sa porte fermée, il l'entend descendre en flèche une stagiaire qui ne sait pas comment fonctionne la photocopieuse. Au moins, la prochaine fois, elle saura se débrouiller, la pauvre.

Partout où elle allait, Murielle (seul Richard, en tant qu'associé minoritaire, a le droit de l'appeler ainsi) était crainte. Non pas pour de violentes crises de colère, non, elle sait parfaitement se contenir et ne montre jamais ses sentiments. Son visage, froid et neutre en toute occasion, en met mal à l'aise plus d'un. Lui adresser la parole, c'est jouer à la roulette russe, à ceci près que tous les pistolets sont chargés.

***

La journée avait été éprouvante. Et dire qu'elle devait encore rendre visite à l'autre... C'était devenu une réelle corvée.

Murielle se dirigea vers sa voiture d'un pas ne laissant rien voir de sa lassitude. Le moteur de la Ferrari rouge se mit à gronder lorsque le chauffeur l'aperçut. Ce n'est ni par amour des voitures ni parce qu'elle est une mordue de vitesse que le choix de Murielle s'est porté sur la grosse cylindrée, mais plutôt par son irrésistible besoin de montrer avec ostentation sa richesse et le rang auquel elle appartient.

Dans les locaux de l'entreprise, son départ a un effet immédiat : les cous, tendus jusqu'à présent, se relâchèrent, la pression retomba, de légères conversations remplacèrent le silence oppressant qui régnait lorsque la patronne surveillait ses employés.

Madame Delahaye aime se rendre au dernier étage de sa demeure. Il est calme, reposant, et aucun de ses employés n'a le droit de s'y rendre. Mais récemment, un « locataire » est venu perturber le précieux ordre du dernier étage...

Elle passe devant la bibliothèque, puis la salle des films. Il l'a entendue arriver, ses talons claquant contre le sol à intervalles réguliers.

Il est devant elle. Elle est devant lui. Dans un premier temps, méthodiquement, elle entreprend de ramasser les bouteilles de verre éparpillées un peu partout dans la pièce, tandis qu'il semble ne pas l'avoir remarquée. Dans un coin, des éclats de verre témoignent d'un soudain accès de colère.

Une fois sa tâche dégradante terminée – seigneur, si seulement elle avait pu reléguer ce fardeau à quelqu'un d'autre – la veuve se planta devant l'homme.

– Tu comptes continuer à m'ignorer pendant longtemps ?

– A ce jeu-là, c'est toi qui gagne, ma chère, répond son interlocuteur, esquissant un sourire amer.

C'est presqu'un miracle qu'il soit capable de tenir une discussion, vu l'état dans lequel il est.

– Je fais ça pour ton bien. Surtout, ne commets pas l'erreur de croire que ça me fait plaisir, rétorque Murielle sèchement.

Jeux de Quilles [PAUSE]Where stories live. Discover now