IV. Un parfum de mélancolie.

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Un instant, Luna crut rêver ; sa voix lui avait tant manquée, elle l'avait entendu maintes fois dans ses rêves alors qu'elle était dans les bras de Clément. Au début, surtout. Lorsqu'elle pensait encore à Maxime, avant de tomber amoureuse de celui qu'elle n'attendait pas.

Et Maxime... Maxime était là. Une chimère sortie de ses pensées les plus impures que son âmes avait tenté d'enfouir au plus profond de sa noirceur, de sa culpabilité de tromper en rêve l'homme qu'elle aimait.

Il lui toucha légèrement le bras, presque avec tendresse, comme s'il la caressait, et Luna retint un petit soupir. Tout cela paraissait irréel, presque trop beau pour être vrai. Tout semblait fou depuis que Maxime était revenu, deux jours auparavant - elle n'avait plus connu ce sentiment depuis trois ans qu'il était parti.

Son parfum lui parvint aux narines, bien plus puissant qu'une vague s'échouant sur le rivage de la plage du Castel, juste en face. Un mélange de sel marin et de lavande, juste ce qu'il fallait pour la faire chavirer sans qu'elle ne tombe complètement en pâmoison devant lui.

Clément avait une odeur bien moins imposante. De la cannelle, de la vanille, et un brin - juste un brin - de citron frais. L'effluve de la maison, du confort, pas celle de l'aventure et de la tentation.

Sortant de sa rêverie, Maxime la fit pivoter lentement vers lui et enroula un doigt autour des siens, sans la moindre gêne. Une mèche de ses cheveux bruns tombaient sur son regard bleu-gris, ensorcelant. Les membres de Luna se contractèrent malgré eux. La tension, cela n'avait jamais changé, lorsqu'elle voyait Maxime ; un reste de toute cette anxiété à l'idée d'être rejetée, à l'idée que ses sentiments éclosent et ne soient pas réciproques.

Une peur de tout gâcher.

Le monde autour, dorénavant, n'avait plus la moindre importance. Il lui paraissait froid et sourd, et sa seule source de lumière était le doux sourire de Maxime, alors que les joues de Luna étaient en feu sous le poids de ses yeux - ses magnifiques yeux.

- J'étais persuadé que tu comprendrais mon message.

Luna retrouva subitement l'usage de la parole.

- "Te retrouver pour une nuit endiablée". Comme cette soirée où nous nous sommes trouvés devant les Trois Diables...

La jeune femme se mordit imperceptiblement la lèvre et jeta un coup d'œil vers l'édifice auquel elle tournait le dos. Trois ans déjà depuis qu'elle n'y avait plus remis les pieds.

Lentement, elle se mit à le dévisager, s'enivrant de son odeur. Elle avait oublié à quel point celle-ci pouvait la rendre audacieuse - et elle n'était plus la petite jeune femme réservée et frêle qu'elle était trois ans auparavant. Clément était passé par là, et leur passion, la douceur mêlée de fermeté du jeune homme, l'avaient fait murir.

Maxime souriait toujours en la dévisageant. Luna était si belle, si jolie, sans en avoir conscience, toujours occupée à se dissimuler derrière cet air innocent et timide qu'elle arborait ; cette expression de pureté qui avait toujours fait penser à Maxime qu'elle descendait du ciel, des étoiles. Avec un prénom pareil, il ne pouvait en être autrement. Aucun sourire ne valait un seul de ses regards.

Luna resta silencieuse un long moment, et Maxime continuait de la trouver désespérément trop divine pour être réelle. Il l'avait toujours songé, ne lui avait jamais avoué. Ce soir, il comptait bien le faire. Il s'en était rendu compte trop tard.

Enfin, sa voix cristalline brisa ce laps de temps suspendu au-dessus de la terre.

- Pourquoi... ?

La question était incomplète, mais Luna vit l'éclat de nouveau naître dans l'expression de tendresse que revêtit le visage de son premier amour. Cela la fascinait depuis tellement longtemps, cette étrange faculté qu'il avait de la compléter, de saisir tout en elle en un simple battement de cil.

- Je veux revivre cette soirée, Luna. Je veux revivre ce sentiment d'éternité que j'ai eu avec toi. Rien n'est semblable là-bas ; et rien ne l'est ici, si ce n'est avec toi. Et puis, rit-il légèrement, tout cela s'est fini trop vite à mon goût. Je veux savourer chaque instant comme je n'ai jamais su le faire.

Touchée par ces mots, elle baissa la tête, les joues rosies.

- Tout ce que je te demande, c'est de rattraper en une nuit tout le temps perdu sans toi. Trois ans à Bali ne valent pas une nuit avec toi, j'en sais quelque chose.

Ce n'était pas possible, elle devait rêver. Ces mots étaient tout ce qu'elle avait toujours désiré entendre, dans ses songes les plus fous, dans les méandres les plus sinueux de son esprit malade d'amour. Même ivre de Clément, ce dernier n'avait jamais était capable de lui murmurer de tels mots, dignes de tous ces films auxquels Luna se droguait depuis trois semaines qu'elle était célibataire.

- Qu'en dis-tu ? Vas-tu me laisser la chance de nous offrir ce moment de paradis ? s'amusa-t-il, constatant son silence gêné.

Bon sang. Elle ne pouvait pas décemment restée plantée là, à ne rien dire, alors que le garçon de ses rêves venait enfin à sa rencontre. Un peu tard, mais pas trop. Presque juste à temps. L'embarras qui lui avait collé à la peau durant six longues années où elle avait côtoyé Maxime tous les jours devait se faire la malle, et vite.

Un éclair de malice traversa les traits de son doux visage, et elle put lire la surprise mais aussi la joie dans l'expression qu'afficha Maxime. Rien que pour le léger tressaillement que cela lui avait provoqué, lui sourire en valait largement la peine.

- Seulement si tu m'offres la même boisson que la dernière fois, le taquina-t-elle alors qu'ils s'asseyaient face à face, en terrasse.

- Un kamikaze avec une rondelle de citron, répondit-il immédiatement en lui glissant un clin d'œil.

Le serveur se dirigea précipitamment vers eux, et Maxime passa la commande au même moment. Luna eut un petit sourire mélancolique.

- J'ai toujours adoré l'odeur du citron, murmura-t-elle plus pour elle-même que pour Maxime.

- Je préfère celle de la framboise, moins entêtante, répliqua-t-il tandis que le serveur s'éloignait.

Luna contint un léger rire. Ces mots, tout en simplicité, avec un accent plus doux et tendres dans sa bouche. Elle passa une main dans ses cheveux blonds.

- Quand es-tu passé déposer cette lettre sur le palier de ma porte, au juste ?

- Environ une heure avant que tu ne me retrouves.

- Je ne t'ai pas entendu, pourtant le parquet du palier est très grinçant ! T'es un ninja ? plaisanta-t-elle en glissant ses mains sous la table.

Le feu de ses yeux et l'air décontractait qu'il affichait recommençait à la stresser, et Luna se mit à se tordre les doigts. Son calme apparent réussit à tromper Maxime, qui ne remarqua rien. Intérieurement, Luna souffla. Clément, lui, aurait tout de suite percuté son malaise et chercher à en trouver la cause, ce qui l'aurait encore plus angoissée ; au moins, Maxime ne se doutait de rien.

- C'est une des nombreuses que j'ai apprises, mais je préfère que l'on parle de ton secret pour rester aussi belle, murmura-t-il avec tendresse.


Une Dernière Nuit.Where stories live. Discover now