IX. Un cœur qui chavire.

1.2K 179 16
                                    

Les mains de Maxime se posèrent sur sa nuque, tandis que ses lèvres effleuraient tendrement celle de Luna avant de se prolonger en un chaste baiser. Sa bouche avait un goût doux et sucré. La pulpe de ses lèvres était d'une douceur à en pleurer. Puis ses bras descendirent le long du corps de Luna avant de trouver un point d'appui sur sa taille frêle, la serrant encore plus contre son cœur.

Contrairement à ce que Luna avait songé depuis toujours, le temps ne s'arrêta pas, la terre continua de tourner ; il n'y eut pas de feux d'artifices au-dessus de leurs têtes, ni même dans son cœur. C'était juste deux bouches posées l'une contre l'autre, unies dans la nuit.

Bien loin de ses rêves. Luna ne ressentait rien. Son cœur ne battait pas à la chamade, ses mains n'étaient pas moites, il n'y avait même pas les papillons dans le ventre qu'elle ressentait pourtant avec Clément.

Clément. Avec lui, c'était le carnaval à chaque fois qu'ils s'embrassaient. La totale ! Les étincelles, le feu d'artifice, l'embrasement de son corps et de ses sens. Le grand huit à chaque caresse.

Leur baiser ne dura qu'une dizaine de secondes qui semblèrent une éternité pour Luna. Pas parce que le tems avait perdu toute valeur et qu'elle n'en avait plus la notion, mais simplement parce qu'elle cherchait... quoi ? A ressentir une quelconque émotion, autre que la surprise et l'étonnement ?

Etonnée, c'était le mot. Surprise que Maxime ait enfin décidé de l'embrasser après toutes ses années à de désintéressé des sentiments qu'elle avait eu pour lui.

Lorsque Maxime s'écarta d'elle, Luna s'en voulut presque de ressentir un certain soulagement ; mais surtout, elle ne pouvait s'empêcher de penser à Clément. Au naturel avec lequel leur danse avait fini en un baiser passionné, bien loin de ce simulacre.

La première chose à laquelle Luna pensa, alors que Maxime l'observait étrangement, ce fut au message de Louise.

"Clément a vraiment une sale tête..."

Maxime tendit une main vers ses lèvres, mais elle se déroba, instinctivement. La culpabilité lui rongeait les os, et toute la douceur, tout le charme de la soirée avait été anéanti avec ce baiser. Le jeune homme la fixait sans comprendre, et l'estomac de Luna se révulsait, ne voyait que les yeux verts de Clément dans le regard bleu de Maxime.

Si seulement le destin pouvait être un peu de son côté, pour une fois...

- Il y a un problème ? demanda Maxime, incertain.

Il se mordait la lèvre et la ride au milieu de son front trahissait son souci. Luna ouvrit la bouche pour répondre - mais qu'allait-elle dire ? "Désolée, ton baiser m'a fait prendre conscience que je ne t'ai jamais réellement aimé ?". Qu'elle aimerait ne jamais avoir perdu son véritable amour ?

La sonnerie de son portable retentit, par chance. et elle se réfugia derrière cette excuse, les joues en feu.

- Mon téléphone... Tu m'excuses ? C'est peut-être important.

Ce n'était que Louise, en réalité, mais la conversation téléphonique lui donnerait un peu de répit, le temps d'arranger ses idées. Elle s'éloigna un peu de Maxime, désemparé sous la lune de minuit.

Une seconde plus tard, le FaceTime affichait Louise, légèrement échevelée après les verres d'alcool que sa meilleure amie avait du ingurgiter plus vite que son ombre. Elle paraissait tout de même maitresse d'elle-même, et lorsqu'elle parla, sa voix était parfaitement claire.

- C'est pour un foutu rencard que tu as renoncé à venir à cette soirée mortelle ?

- Si cela peut te consoler, il ne s'est pas aussi bien passé que je l'avais espéré, soupira-t-elle en lançant un regard résigné vers Maxime, les mains dans les poches.

A le voir avec cet air blasé et apathique, Luna se demandait comment elle avait pu le trouver séduisant. Il n'avait rien à voir avec l'enthousiasme de Clément, solaire, joyeux, désinvolte à longueur de journée. Maxime paraissait si sérieux...

Louis l'arracha de sa contemplation par une exclamation énergique.

- Génial ! Bon, tu le plantes et tu me rejoins ? Je m'éclaterais plus avec quelqu'un pour me suivre dans mes shots !

- Louise...

- Viens ! Tu sais où habites Pauline, non ? C'est sur Gorbella, à côté du Monoprix. Grouille-toi, les tram arrêtent de fonctionner après deux heures du mat'. Tu le prends direction Henri Sappia, hein ? Te trompe pas !

- Louise, je ne vais pas venir, c'est clair ? Ma soirée n'est pas fameuse, mais Clément et Elisa sont toujours là-bas. Je ne veux les voir ni l'un ni l'autre.

- Tu es vraiment...

Son amie rousse s'interrompit au beau milieu de sa phrase, les yeux perdus qu'elle part derrière la caméra frontale, que Luna ne pouvait deviner. Elle fronça les sourcils. Une grande clameur lui parvenait depuis le capteur de son. Des cris retentissaient.

- Qu'est-ce qui se passe ? interrogea Luna, intriguée...

- Je ne sais pas... Ne quitte pas, je vais voir.

Louise se leva, faisant trembler la caméra, et s'avança vers la source. Luna jeta un rapide coup d'œil à Maxime, qui n'avait pas bougé, les bras croisés, tapotant du pied, trouvant le temps visiblement long.

- Oh merde...

Luna redirigea son attention vers Louise.

- Quoi ?

- J'entends des cris... on dirait bien qu'il y a un couple qui se dispute dans une des chambres. La porte est ouverte. Je n'ose pas y aller mais ils font un tel boucan...

Comme pour appuyer ses dires, une voix d'homme rugit l'instant d'après et le cœur de Luna s'accéléra. C'était une voix qu'elle connaissait bien. Louise l'avait entendu aussi, et se mordit la lèvre.

- Ce n'est pas une bonne idée d'aller voir...

- Vas-y ! ordonna Luna, son sang ne faisant qu'un tour dans ses veines. Et je veux voir !

Pestant contre la jeune femme aux cheveux blancs, Louise obtempéra néanmoins et retourna la caméra à son capteur principal : le visage de la rouquine s'effaça pour montrer la porte d'une chambre grande ouverte dans un couloir. De là où filmait Louise, Luna pouvait apercevoir une partie du visage de Clément.

Son amie s'approcha silencieusement. Elle n'était visiblement pas la seule, parce que le bruit de la dispute emplissait tout l'appartement. Ce que Luna découvrit lui coupa le souffle.

Elisa était debout, à côté d'un lit, en simples sous-vêtements. Luna se retint de fondre en larme en repensant à la fois où elle les avait surpris dans le lit. Clément, entièrement habillé, était rouge de colère. Ses cheveux blonds étaient en pétard, et la veine de son coup ressortait intensément. Son corps musclé était contracté de colère, et même à travers l'écran, Luna distinguait sa fureur.

- FOUS-MOI LA PAIX ! CASSE-TOI, DEGAGE DE MA VIE ! hurlait-il sur une Elisa apeurée. Arrête de te foutre à poil devant moi et de te glisser dans mon lit ! A cause de tes manigances, la femme que j'aime est dans les bras d'un autre, alors DEGAGE AVANT QUE...

Il y eut grand bruit, des hommes passèrent devant la caméra pour éloigner Clément, dont le visage était baigné de larmes de rage. Dans le mouvement de foule, le portable de Louise tomba, et la communication coupa.

Et plus rien, sinon un silence.

Une Dernière Nuit.Where stories live. Discover now