« Âmesœurs égarés »

beaucoup,

- Naël.

Posé sur le toit, joint à la main, fumée entre les lèvres, j'me laisse planer, les pieds dans le vide.
Je me laisse emporter par des milliers de pensées, des milliers de rêves secrets.

Maya voulait qu'on passe la journée ensemble, mais j'était pas prenant, j'avait besoin d'être seul, aujourd'hui. En fait j'ai constamment envie d'être seul en c'moment et puis j'ai cette putain d'impression qu'aujourd'hui est un jour spécial.
Je réfléchit encore, il faut que j'me souvienne, mais j'y arrive pas ma putain de perte de mémoire me bouffe le veau-cer.
Un mal de crâne s'en empare, encore une fois, et même le joint n'arrive pas à soulager la douleur. À chaque fois que j'essaie d'me souvenir, d'essayer de ressasser les années oubliées, effacées j'ai cette douleur atroce qui s'empare d'mon cerveau comme s'ils étaient bloqués, comme s'ils refusaient de s'évader.

Ils refusent de refaire surface et qu'est ce que j'peux y faire ? J'doit attendre, ouais attendre comme un con, qu'un jour par " miracle ", tout revienne, que tout redevienne comme avant.

J'me rapelle plus des 4 dernières années, comme si rien n'avait existé, comme si au final, il ne s'était rien passé.

Et ma vie depuis cet que jme suis enfin réveillé, vous voulez savoir ?
J'me sent vide. J'ai toujours l'impression qu'il me manque quelque chose, que je suis pas à ma place ni ici, ni ailleurs.
Et j'essaie de faire comme si tout allait bien aux yeux d'ma famille, aux yeux d'Maya, mais j'divague, j'le sais. J'me perd moi-même, ouais.
Y'a comme un creux qui s'est formé en moi et j'en connait même pas la raison, ça m'rend fou, ça m'fait cogiter.
Tout est faux autour de moi, même mon amour pour elle. De l'amour c'est même pas c'que ressent.

J'ai des sentiments, mais j'laime pas, c'est pas la bonne personne, je le sent et je le sais.
C'est pas cette personne qui doit me faire rire constamment, qui doit m'donner l'impression que plus rien autour n'existe, c'est pas cette personne qui doit m'aider à m'évader, à oublier, c'est pas cette personne qui doit crée un manque en moi lorsque j'la voit pas.
C'est pas cette personne.

Alors qui est-ce ?

J'ai le sentiment entouré de beaux hypocrites, qui se cachent derrière une façade de sourires, des masques de faux-culs, voilà c'que je voit en réalité. Tout est monté. J'ai cette impression qu'ils me cachent quelqu'un, une vérité, un passé.

Plongé dans mes pensées interminable, j'avait même pas capter la présence de la silhouette qui se trouve sur le toit en face du mien. J'suis donc pas le seul à aimer la vue sur le toit.
J'voit pas son visage mais je devine que c'est une meuf et j'ai la bizarre impression qu'elle me dessine, elle me regarde sans cesse, en agitant sa main sur son p'tit cahier, j'essaie de capter ses émotions mais j'y arrive pas, sa capuche m'empêche de discerner les traits d'son visage.
Attend.. cette capuche c'est la meuf d'hier, la salope qui m'a bousculé sans s'excuser.
Je lui fait un doigt de loin, bien visible et je voit ses épaules tressauter.

Elle rigole.

Elle s'fout de ma gueule et j'aime pas ça. Elle lâche son crayon et m'en fait deux en retour. Elle faisait pas autant la meuf hier dans les escaliers.

On finit par se regarder sans vraiment se voir et le vent matinale, ma fumée qui s'évade au rythme de l'air rend l'atmosphère apaisante.
On est loin, mais y'a comme une connexion entre nous, entre moi et cette inconnue. Elle voit pas mes yeux et j'voit pas les siens, et c'est ça le plus bizarre dans l'histoire.

Je l'ai vu plusieurs vaguer dans la cité revêtue d'sa fameuse capuche, comme une âme perdue, égarée, comme si elle savait pas où s'trouvait sa place.

J'me souvient d'Maya parce que c'était ma meilleure pote avant que je perde la mémoire et peut-être le fait qu'elle venait constamment me voir et que j'avait ce besoin d'affection, nous a rapprochés.

Mais elle, elle je m'en souvient pas.

« Âmesœurs égarés »