4 : MENSONGE

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QUAND RORY FUT RENTRÉ de son escapade du KINƎTO, deux choses l'interloquèrent : premièrement, Samuel dormait toujours, les jambes emmêlées dans l'édredon et un oreiller sur la tête ; deuxièmement, son téléphone portable tressautait comme un damné ...

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QUAND RORY FUT RENTRÉ de son escapade du KINƎTO, deux choses l'interloquèrent : premièrement, Samuel dormait toujours, les jambes emmêlées dans l'édredon et un oreiller sur la tête ; deuxièmement, son téléphone portable tressautait comme un damné sur le parquet, comme en proie à des convulsions. S'il n'était pas du genre à fouiller dans l'intimité d'autrui, Rory se permit néanmoins d'y jeter un coup d'œil furtif.

Et, il eut l'impression que son sang se glaçait dans ses veines – s'emparant de l'appareil pour le glisser sous sa manche et se réfugier dans les toilettes. Sur la cuvette, Rory fit glisser son index sur l'écran. Ses tripes s'étaient nouées comme pour lui étreindre l'estomac et l'agiter d'un spasme nauséeux, pourtant il n'était pas question pour lui d'abandonner l'idée d'en savoir davantage sur Aris, d'oublier cette soirée silencieuse. D'être passif d'acceptation par peur de ce qu'il pourrait découvrir.

DE : ARISTOTE ; À : Samuhell

« je sais pas si tu pensais me rendre service en faisant une chose pareille, mais tu t'es trompé » (19:32 PM)

« lourdement trompé » (19:32 PM)

« c'était stupide et irréfléchi, comme tu l'as toujours été » (19:45 PM)

« tu sais que tu vas devoir m'arranger ça, hein ? » (19:48 PM)

« l'état dans lequel t'étais ne justifie rien, Samy » (20:03 PM)

« je veux voir tes miches sur mon canapé samedi prochain » (20:15 PM)

« c'était l'occasion de renouer » (20:27 PM)

« putain, tu m'avais tellement manqué » (20:38 PM)

« j'avais besoin de parler d'eux » (20:39 PM)

« j'en ai toujours besoin » (20:45 PM)

« toi aussi, j'en suis sûr » (20:56 PM)

« ça rattrape pas la merde que t'as fait, quoi qu'il en soit » (21:13 PM)

« alors appelle-moi » (21:28 PM)

Sans réfléchir, comme contrôlé par les fils d'un marionnettiste, les doigts de Rory s'activèrent sur le pavé tactile pour offrir à Aristote une réponse brève et impulsive. Irréfléchie, comme l'était Samuel.

DE : Samuhell ; À : ARISTOTE

« on peut se voir mardi, au KINƎTO, dans la nuit. Ouvert jusqu'à deux heures » (21:35 PM)

DE : ARISTOTE ; À : Samuhell

« à mardi, dans ce cas » (21:37 PM)

Puis, alors qu'il supprimait fébrilement les deux derniers messages, Rory faillit dégringoler de la cuvette quand Samuel vint frapper à la porte d'un air pressé.

— Qu'est-ce que tu fous ? interrogea-t-il d'une voix dégoulinante de morosité. J'ai grave envie de pisser. Et dormir. Ou pisser. Les deux à la fois.

Une fois qu'il réussit à contrôler les trémolos qui lui agrippaient la gorge et menaçaient de le trahir, Rory consentit à lui répondre – d'une voix qui montait cependant dans les aigus :

— J'ai terminé, c'est bon !

Rory éteignit le téléphone portable puis le glissa dans la poche arrière de son pantalon avant de tirer la chasse d'eau et d'attraper la poignet d'un mouvement qu'il espérait assuré, un sourire crispé scotché sur le visage.

— Salut, dit-il face à un Samuel encore groggy de sommeil, les paupières lourdes et les cheveux emmêlés.

Après une seconde d'hésitation et malgré la brume qui semblait obscurcir son esprit, le brun ne résista pas à son sourire timide, à ses joues légèrement rosées et à l'arôme de son parfum, de ses lèvres, de ses yeux. Il se pencha pour l'embrasser et leurs lèvres s'enlacèrent dans un baiser qui unirent étroitement leurs corps, comme s'ils cherchaient à travers cette passion enflammée à communiquer leur amour insatiable.

Très vite, pourtant, Rory rompit le contact, détachant ses lèvres pour contourner Samuel – qui ne l'entendit pas de cette oreille et lui saisit l'avant-bras, presque abruptement. Leurs regards se percutèrent comme deux trous noirs qui entreraient en collision pour déverser un flot d'énergie dévastateur, leurs ondes allant jusqu'à se répercuter dans leurs entrailles pour les laisser pantois. L'atmosphère étrangement électrique les laissèrent bouche bée, jusqu'à ce que Samuel lâche Rory comme s'il s'était brûlé.

— Je suis désolé, murmura-t-il. Pour le ciné. Pour ça.

Samuel plongea une main dans ses cheveux hirsutes et serra le poing.

— Qui est Aris ? demanda Rory, bien qu'il sache d'ores et déjà la réponse.

Les yeux de Samuel s'assombrirent une seconde puis retrouvèrent leur éclat, comme un nuage dissimulant l'or du soleil avant qu'un coup de vent ne le dissipe.

— Une connaissance de la fac à qui j'avais oublié de rendre un classeur, répondit-il d'emblée, d'une voix claire et ferme. Il organisait une soirée, et j'ai déconné.

Rory hocha la tête, se concentrant pour que son regard délavé ne lui hurle pas « MENTEUR » au visage, pour que ses bras restent le long du corps, pour que ses lèvres ne s'affaissent pas et que pour l'amour qu'il portait à Samuel ne se fissure pas. Quand celui-ci se détourna, Rory comprit que la brûlure des larmes qu'endiguaient ses paupières n'était rien comparé à la marque ardente qu'avait laissé son mensonge sur son esprit.

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