21 : TOURMENTÉ

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PENCHÉ AU-DESSUS d'un lavabo en porcelaine, Aristote toussait et crachait

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PENCHÉ AU-DESSUS d'un lavabo en porcelaine, Aristote toussait et crachait. Pitoyable. Quand il ouvrit le robinet, les taches rouges qui pigmentaient l'évier vinrent s'entrêmeler à l'eau pour former un large tourbillon rose pâle. Tu es consternant. Observant son reflet dans le miroir, ses doigts vaslèrent jusqu'à sa gorge tatouée, suspendirent leur danse hésitante à un centimètre de l'œil noir puis le caressèrent du bout des ongles. Palpèrent ses contours sombres et cicatrisés depuis longtemps. L'abandonnèrent aussitôt. L'œil qui voit tout.

Aristote s'autorisa un soupir puis l'expression de son visage se durcit. Le gris perle de ses yeux devint plus sombre et il se redressa de façon à ce que sa posture soit irréprochable. Enfiler le manteau de ton fardeau avant de sortir ne rendra pas tes épaules plus fortes. Aristote recueillit de l'eau dans le creux de ses mains qu'il but en laissant s'écraser deux gerbes froides contre ses joues. Ses paumes mouillées glissèrent sur son crâne rasé jusqu'à sa nuque qui se tordit d'un côté puis de l'autre avant d'émettre un craquement sordide.

Après s'être enfoncé un bonnet couleur olive sur le crâne et avoir  traîné à fumer son énième cigarette de la journée, Aristote se laissa choir sur son canapé et courba l'échine pour s'emparer d'un plateau métallique dissimulé derrière le meuble. Comme dans un rêve. Il adressa à son chat – qui le toisait avec désapprobation depuis l'accoudoir – une grimace contrite et haussa piteusement les épaules. Si lui aussi se mettait à lui faire la morale avec les yeux, alors bientôt formerait-il avec Samuel un duo infernal. Et insolent.

— Alors ? demanda-t-il après avoir attrapé son portable et composé un numéro à toute vitesse.

Aristote abandonna son canapé, offrit une caresse pleine de tendresse à son félin blanc et s'en alla ouvrir le tiroir d'une commode. Ces gestes, toujours ces gestes.

Alors j'y suis.

Il est pas encore minuit, souligna Aris en jetant un regard furtif à son écran. Il peut très bien bouger dans deux heures.

Si son interlocuteur ne réussit pas à complètement camoufler son mécontentement, il s'astreignit cependant au silence le plus total. Comme paralysé.

— J'espère que t'as bien appris le petit texte que je t'ai écrit, Arthur.

Comme à son habitude, Aristote attendit patiemment qu'Arty daigne finir par acquiescer. Arrête. Ce qu'il finit par faire, et tout aussi lentement que les fois précédentes.

— Alors je nous souhaite à tous les deux une bonne soirée, dans ce cas ! s'exclama Aris avec enthousiasme en faisant claquer le tiroir de sa commode.

Il n'attendit pas une quelconque réponse pour raccrocher et retourner s'affaler dans son canapé, ouvrant son poing au-dessus du plateau pour que se décolle de sa paume un pochon en plastique. Pas avec lui ! Aristote fixa le sachet sans l'ouvrir, contempla ses phalanges. Se leva puis se rassit, réfléchit aux risques induits par son tempérament. Pas sans ça. Ces mots l'incitèrent à saisir le pochon, à se pincer l'arête du nez et à se haïr davantage.

Mais il le fallait.

Il lui fallait.

Pour qu'ils ne s'en aillent pas.

Pas encore une fois.

DARK KINGWhere stories live. Discover now