Samuel s'enfuit, Samuel s'estompe, Samuel disparaît.
Samuel s'emmure dans les sombres secrets qu'il entretient aux côtés d'Aris, n'offrant à Rory que des murmures indistincts pour combler son inquiétude.
Et Rory ne comprend pas, ne sait pas s'il doi...
Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.
EN RENTRANT DU KINƎTO, Rory voulut filer sous la douche se débarrasser d'Aris, de ses paroles qui lui collaient à la peau, de leur effet cinglant comme la lanière d'un fouet, du reflet de son sourire éclatant, de son odeur qui semblait ne plus vouloir quitter ses narines – comme pour le narguer ou le punir d'avoir encore à l'esprit les contours élégants de son visage taillé à la serpe ; mais le visage fermé de Samuel l'interrompit avant qu'il ne commence à se déshabiller. Appuyé contre l'embrasure de la porte de la salle d'eau, il fumait une cigarette.
— Qu'est-ce que t'as à disparaître comme ça ? demanda-t-il d'une voix effroyablement neutre, le visage impénétrable.
Rory fit les gros yeux, attendit qu'il éclate de rire – ou, du moins, qu'il reconnaisse l'ironie de ce qui venait de sortir de sa bouche – mais Samuel conserva un sérieux mortel.
— Tu te fiches de moi ? répondit Rory en fronçant les sourcils.
Samuel le gratifia d'un demi-sourire accompagné d'un regard noir, et Rory se surprit à frémir. L'étincelle dans ses yeux verts ne correspondaient pas à la courbe froide qu'entamait ses lèvres.
— Je t'ai expliqué les raisons de mon absence, je me suis excusé, reprit-il en crachant un nuage de fumée anthracite.
Samuel mordit le filtre de sa cigarette, darda sur lui un regard polaire, d'un mépris si cinglant qu'il faillit faire reculer Rory. Tout, dans sa posture, lui hurlait un danger imminent, une menace – alors qu'il savait Samuel incapable de lui faire du mal. Seulement, Rory le sentait vibrer jusque dans ses os, ayant le sentiment glacé d'être une proie face à un prédateur.
— Tu recommences, osa-t-il en s'approchant d'un pas.
Le regard du brun s'éclaircit, s'adoucit et son corps bandé comme un arc se détendit pour adopter une posture courbée, affectée.
— Je crois que Gareth t'a plombé la cervelle, rétorqua-t-il, conscient de la dureté que représentait ces mots.
À son tour, les yeux de Rory se durcirent pour devenir plus froids qu'un mur de glace.
— Qu'est-ce que vous avez tous à parler de Gareth, putain ? cracha-t-il en retirant rageusement ses chaussures. Il est revenu d'entre les morts sans m'en informer ?
Samuel ferma brièvement les yeux dans un effort pour contrôler la colère qui pulsait dans son crâne comme les prémisses d'une effroyable tempête.
— Tu me compares sans arrêt à lui ! lui reprocha-t-il, les poings serrés.
— Parce que tu te comportes comme lui ! explosa Rory dans une réplique tremblante. Quand t'es en colère, tu te comporte comme lui, Samuel! Est-ce que t'as besoin d'un miroir, d'un dessin, de sa putain d'approbation pour l'accepter ?
L'atmosphère étouffante, leur colère, leur culpabilité se cristallisèrent, cristallisèrent les dernières paroles de Rory pour leur donner une impression d'insupportable écho dans le silence qui s'ensuivit, cristallisèrent leurs yeux pour qu'ils se fouillent l'un l'autre sans réussir à trouver la force d'un pardon immédiat.
— Je pars chez Arty demain, annonça Samuel d'un ton si distant que Rory eut l'impression de sentir ses entrailles se déchirer. Jusqu'à dimanche. Avec Aris, mon pote de la fac. Ils se connaissent bien.
Rory n'eut pas la force d'écouter ses mensonges plus longtemps, bousculant Samuel pour s'enfermer dans la salle de bain et pleurer sur le bout de papier kraft qu'il froissait entre ses doigts depuis dix minutes – et c'est le cœur et l'esprit dévastés qu'il le déplia.
