Chapitre Deux

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9h30

Bientôt deux mois qu'ils sont sortis de ma vie et rien ne va plus. J'ai l'impression de manquer quelque chose, j'ai un énorme vide et j'ignore ce qui pourrait le combler. Je suis avide de toutes émotions. Je suis pareil à un fantôme, je souris parfois, rarement, jamais.

J'avais pour habitude de faire la même chose tous les jours depuis ma rupture, je me levais, je me lavais,  je me brossais les dents, j'allais au travail, je rentrais du travail, je mangeais, un peu, et je dormais. Mais depuis que mon restaurant est fermé, je ne sors même plus de chez moi. Je n'ai même pas la force de faire des prestations à domicile.

Je n'ai plus envie de rien, je suis à bout, même manger est devenu un supplice, pour une restauratrice c'est le comble.

Je suis couchée sur mon sofa comme tous les jours devant la télé sans vraiment la regarder, avec une assiette de frites de plantain sur les cuisses. Mon téléphone se met à vibrer mais je mets plusieurs secondes avant d'entamer le long et périlleux voyage entre le sofa et la table basse juste en face de moi. Je décroche finalement et c'est mon avocat à l'autre bout du fil.

— Bonjour Mlle Kenfack.

— Bonjour maître, comment allez vous ?

— Je vais bien et vous ?

— Ça va aller, lâché-je.

Il ricane, okay, finalement la date du procès a été fixée à jeudi de la semaine prochaine, à huit heures pile. M. Kum devrait déjà avoir reçu sa convocation.

— Oh très bien, dis-je avec un faux sourire, en essayant de me convaincre que cette nouvelle me rend heureuse.

— Tout ça va prendre fin et vous aurez ce qui vous est due, conclut-t-il avant de me dire au-revoir et de raccrocher.

Je fais glisser lentement le téléphone le long de ma joue et sans savoir pourquoi je commence à pleurer. Je ne voulais pas me retrouver devant un juge avec Lucas mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais pas le laisser s'emparer de mon restaurant et de tout l'argent durement gagné que j'avais bêtement investi dans nos projets de vie.

14h00

Je suis en route pour le restaurant, même si il fermé depuis trois semaines à cause du procès. Je ne peux m'empêcher d'y faire un tour tous les jours pour m'assurer que les choses vont bien dans le quartier, surtout avec cet horrible personnage qu'est le propriétaire du fast-food juste en face.

Près d'une heure plus tard, sous la chaleur intense de la ville de Douala, je me tiens devant mon restaurant fermé à double tour. J'avais prévu de le vendre avec Lucas pour qu'on en ouvre un autre beaucoup plus grand et classe. Je travaillais comme une malade tous les jours pour réaliser ce projet mais où en suis-je aujourd'hui ? Pourquoi j'ai travaillé, enfin, pour qui ?

La tête baissée, sur le point de recommencer à pleurer, je me dis qu'on peut encore arranger les choses. Je ne veux pas me retrouver devant le juge pour cette affaire, c'est entre lui et moi. Je ne veux pas prendre le risque de perdre mon restaurant et mon argent avec.

Je prends mon portable et rappelle mon avocat. Il est surpris, très surpris par ma décision mais elle est prise, je ne veux pas de procès. Je sais très bien que ce sera lui ou moi et si jamais c'est lui qui gagne je ne le supporterai pas.

Oui j'ai peur d'aller devant un juge parceque je ne veux pas tout perdre. Je pourrai aussi gagné et être libre mais j'ai trop peur.

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Bonsoir Mel, j'espère que tu vas bien. Penses-tu que l'on pourrait se voir ?

Je viens à peine de raccrocher que je reçois un SMS d'un numéro inconnu. Un numéro que je connais par cœur.

C'est lui. Comment il ose ?

Il m'appelle toujours Mel, comme si on était toujours ensemble, le salaud. J'ai envie de lui envoyer plein d'insultes mais je ne sais pas quoi faire. Je ne l'avais pas revu depuis la fois où il est sortit de chez moi avec son pantalon en main, accompagné de cette traîtresse.

Je n'ose rien écrire mais il ne s'arrête pas pour autant.

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Je t'attendrai ce soir au lounge bar du centre à 20h. Viens s'il-te-plaît.

Est-ce que j'ai vraiment envie de le revoir ?

Est-ce je suis prête à le revoir ? C'est ça la question.

Je me retourne et observe le fast-food juste en face. Il est toujours plein, à toute heure et ça m'énerve. Comment les gens peuvent aimer manger des plats froids remplis de graisse ? Rien que le fait d'y penser fait peser ma salive.

— Bonjour, vous comptez finalement réouvrir ou vous faites juste le tour ?

Il n'y a rien de plus horrible que le son de la voix du propriétaire d'en face. Ce type me sort par les narines.

C'est un homme grand avec une morphologie H, de teint noir chocolaté, comme le mien, qui portait des boucles d'oreilles. Tout m'énervait chez cet homme.

— Vous savez très bien que quand je rouvrirai, vous n'aurez plus aucun client. Votre fast-food de pacotille est juste une bouée de sauvetage, lâché-je avant de partir alors que derrière moi je l'entends ricaner, cet idiot.

18h15

Je fais les cent pas dans mon salon, l'ongle du pousse entre les dents.

J'y vais ou je n'y vais pas ?

De toute façon, j'ai demandé à mon avocat de retirer ma plainte. Le procès sera annulé et je devrai le confronter sans personne avec moi.

— Ça fait deux mois, tu peux le faire, me répété-je sans aucune réelle motivation.

C'est décidé, j'y vais. Je me répète des paroles motivantes et inspirantes avant d'aller dans ma chambre pour me préparer.

— Non non ! Je ne dois pas être en avance, il faut qu'il m'attende un bon bout de temps, me dis-je.

Juste pour ce soirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant