Chapitre Trois

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Vous êtes un arrogant et prétentieux personnage qui pense que parce qu'il a pu ouvrir un fast-food dégueulasse a réussi sa vie. Votre établissement ne sera jamais, je dis bien jamais comparable au mien, pourquoi ? Tout simplement parce que comparé à vous, moi je cuisine des plats sains qui ne sont pas importés, non, ils sont d'ici, de chez nous. Mes produits viennent d'agriculteurs locaux qui cultivent avec la joie au cœur. C'est ça que les gens aiment, manger bien et surtout manger CAMEROUNAIS !

18h40

Je suis assis sur ma chaise de bureau entrain de me remémorer ces mots de ma charmante concurrente d'en face. Malgré son jeune âge et son petit gabarit, elle n'a pas du tout sa langue dans sa poche, bien au contraire.

Ça fait six mois que j'ai ouvert mon fast-food et la jeune propriétaire d'en face ne supporte pas de me voir, même en peinture. Je pourrais dire la même chose mais j'aime bien la voir énervée. Depuis que son restaurant est fermé, pour je ne sais quelle raison, ses cris et ses regards méprisants me manquent presque. Même si ces derniers temps elle semble différente, elle n'en veut plus qu'à moi mais au monde entier, on dirait.

Un stylo à main, je suis entrain de réinventer la recette du célèbre mbongo tchobi*. J'ai eu la merveilleuse idée de faire cuire cette fameuse sauce avec du poisson en papillote. Le tout enroulé dans un pain libanais, pas si libanais, puisque je le ferai avec de la farine de manioc pour rappeler le complément habituel de la sauce. Malheureusement, j'hésitais entre la farine de maïs et celle de manioc parceque la farine de maïs allait rajouter de la couleur et bien évidemment, éveiller l'intérêt des clients.

Au milieu de toute cette créativité culinaire, je reçois un message.

Thomas
J'espère que tu n'as pas oublié ton rencard de ce soir.

Mike
Bien-sûr que non, j'ai été seul pendant trop longtemps.

J'allai enfin rencontrer cette fille avec qui j'avais échangé pendant près d'un mois sur un site de rencontre, charmante idée de mon frère.

Il m'a carrément forcé à l'inviter, histoire d'enfin passer à l'étape suivante. Ce que j'ai fait et elle n'a pas refusé. Les sites de rencontres n'ont jamais été mon genre mais entre le restaurant, ma mère malade et le reste c'est difficile de trouver du temps pour draguer.

C'était une belle jeune femme de la vingtaine, infirmière, qui comme moi n'avait pas de temps pour rencontrer des hommes. J'ai bien aimé discuter avec elle surtout tard dans la nuit. On se racontait nos journées respectives sans trop de profondeur mais c'était agréable.

Je ne suis pas amoureux mais elle me plaît bien. J'ai hâte de la voir en vrai et d'avoir une vraie discussion avec elle. J'espère vraiment que le courant va passer entre nous sinon je devrai encore recommencer le processus à zéro, jusqu'à trouver une femme qui en vaut la peine.

Le plus grand souhait de ma mère est que je me marie et malgré son état de santé assez inquiétant, elle ne cesse de me le rappeler. Elle veut des petits enfants et je ne suis pas contre l'idée. Elle a raison, j'ai trente-et-un an, il est temps que je trouve une femme qui pourra me supporter.

La plupart de mes relations étaient avec des femmes blanches, qui ont une culture assez différente de celle des femmes africaines en général et des femmes camerounaises en particulier. Ça fait deux ans que je suis rentré d'Italie et toutes mes relations se sont finis en queue de poisson.

Fatigué de réfléchir, je me lève de ma chaise et entame un nettoyage complet de mon appartement. Je passe le ballet, suivit d'une serpillère avant de ranger le salon et de dépoussiérer les étagères. Je nettoie la salle de bain et le plus important, je fais mon lit. Ce soir, j'opte pour des draps blancs, un blanc pur que je joins au rouge de la couette et des taies d'oreillers. Un mariage entre le paradis et l'enfer.

Douce envie.

Sous la douche, je pousse la chansonnette sur du Fally Ipupa, histoire de me mettre dans l'ambiance.

19h37

J'éteins mes bougies parfumées à la menthe poivrée et j'inspires la délicieuse odeur qu'ils ont diffusé dans toute l'appartement. J'aime quand ça sent bon.

J'éteins toutes les lumières sauf celle du salon et passe devant le miroir pour jeter un dernier coup d'œil à mon reflet. Je repositionne mon bonnet rouge, qui soi-dit en passant, m'a toujours porté chance. Je fais un clin d'œil à mon reflet avant d'éteindre la lumière et sors avec l'espoir de ne pas rentrer seul, car si par passer à l'étape suivante, mon frère entendait sortir ensemble moi j'entends coucher ensemble.

Je m'enfonce dans les rues animées de la ville de Douala ce samedi soir. Difficile de se concentrer entre le bruit de la circulation hyper dense et celle des bars pleins à craquer. Je traverse la route difficilement avec les nombreux motos taxis qui envahissent la route.

Ce soir, j'ai confié le restaurant à Jenny, comme toutes les fois où je ne suis pas là. Elle arrive toujours à s'en sortir. Malgré sa petite taille elle sait être autoritaire et sait s'imposer devant les employés.

Depuis le trottoir où je me tiens, j'observe avec effroi l'horrible embouteillage qui m'attend.

— Certes, c'est samedi mais où vont toutes ces voitures et ces gens ? crié-je.

On s'était fixé 20h30 comme heure de rendez-vous mais je sais déjà que je vais être en retard.

Je suis perdu, j'hésite entre prendre un taxi ou juste marcher mais il est hors de question que j'arrive à mon rencard couvert de sueur. J'hésite encore avant d'entamer une lente marche malgré moi.

*sauce de couleur noire très appréciée au Cameroun.





Juste pour ce soirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant