Moi bizarre ? Vous vous êtes regardés peut-être ?

65.6K 5.2K 2.2K
                                    


- Non ! Balançai-je vivement. N'entres pas !

- Elle n'est pas prête, m'approuva Andrew bien plus calmement.

- Tu n'as pas à avoir peur, Keyli. Je ne vais rien te faire.

Ma mâchoire se crispa. J'avais confiance en lui, aussi incroyable que se soit cette pensée. Je ne l'avais vu qu'une unique fois et disons que ce n'était pas le souvenir le plus agréable que j'avais. Alors pourquoi avais-je envie de le laisser faire ? Je me souvenais de son sourire, de ses yeux qui me contemplaient avec douceur, de sa gentillesse qui transparaissait sur son visage. En le contemplant, je n'avais ressenti aucune inquiétude contrairement à ma première rencontre avec son frère. Je soupirai, plus indécise tandis qu'Andrew, silencieux, semblait m'encourager à l'idée d'accepter par sa non intervention au dilemme qui se jouait en moi. Mais la raison l'emportait. Je n'étais pas prête. Pas encore. Pas tout de suite. C'était beaucoup trop tôt. 

- Elle a besoin de plus de temps, reprit donc Andrew en se décidant à me venir en aide.

- Elle a peur de moi ? Demanda Maël, contrit.

- J'ai peur de te voir, rectifiai-je. Pas de toi.

Il y eut un léger silence pendant lequel Maël semblait, petit à petit, comprendre mon ressenti. Je sentais son esprit effleurer le mien mais, là encore, je luttais de toutes mes forces pour l'écarter. Je ne voulais pas voir, par inadvertance, toutes ces choses que j'évitais en restant cloîtrer dans ma chambre. Néanmoins, je perçus nettement sa déception. Il voulait réellement entrer, même si je ne comprenais pas vraiment pourquoi il y tenait à ce point. Sans doute était-ce le lien qui se tissait entre le créateur et le marqué. Du moins, c'était la seule théorie que j'étais capable d'émettre à cet instant. 

- Très bien, affirma-t-il sans laisser passer dans sa voix la moindre émotion négative. Si tu me permets, je vais rester derrière la porte. Cela te va ?

Sans vraiment attendre mon avis, le bruit sourd de son dos s'écrasant contre la porte en bois nous informa qu'il avait déjà agi. J'écarquillai donc les yeux en fixant ce maigre morceau de bois qui nous séparait, réellement surprise. Il ne semblait pas vexé, ni fâché, ni même agacé par mon refus. Au contraire. Il était extrêmement compréhensif. Et je me sentis incroyablement coupable de le laisser rester dans le couloir quand il semblait pleinement désireux de m'aider. Mais je ne pouvais que le remercier du bout des lèvres. C'était tout ce dont j'étais capable. Andrew posa sa main sur mon épaule, se voulant rassurant. Leurs deux esprits se mélangeaient doucement au mien. 

« - Il peut lire dans mes pensées ? Soufflai-je en m'adressant à Andrew. 

- Je peux, m'affirma une autre voix que celle espérée.

- ... C'est pas vrai, soupirai-je malgré moi.

- Désolé, lancèrent-ils en cœur, presque joyeusement. Tous les marqués peuvent lire dans les pensées, ajouta Andrew.

- Tous ? Sans exception ?

- Sans exception, approuva-t-il. Certains ont plus de talents que d'autres, toi comprise. Tu as pu lire dans les pensées avant même que ta marque n'apparaisse, c'est un fait très rare qui signifie que tu auras de très grandes capacités télépathiques. Mais je te l'ai déjà fait remarquer à de nombreuses reprises. »

Certes. Je devais admettre n'avoir pas prêté une grande attention à cette information qu'il avait pourtant répété. Peut-être était-ce le genre de chose que je n'avais pas envie d'entendre. Anormale dans l'anormal. C'était un sentiment étrange et dérangeant. Le seul réconfort que je trouvais à la situation était d'obtenir une certaine normalité et on me la retirait aussitôt. Nostalgique, j'avais envie de me glisser sous les draps et de me cacher dessous comme lorsque je n'étais qu'une enfant et que je ne voulais pas aller à l'école parce que les garçons m'embêtaient. Mon père venait alors me chercher, me chatouillant jusqu'à me faire éclater de rire. Je m'embrumais. C'était une période brève et révolue. Je ne pouvais pas agir ainsi et attendre que quelqu'un vienne tirer sur le drap pour me sauver de la réalité. Je devais l'affronter. Même si je n'en avais aucune envie. 

Water LilyWhere stories live. Discover now