Lien. Pas tout à fait celui que j'attendais.

51.9K 3.9K 1K
                                    


Mon cœur sautait en tous sens, tambourinant sourdement dans ma poitrine. Mon cerveau, lui, tanguait dangereusement dans des réflexions incompréhensibles. Pourquoi étais-je aussi profondément persuadée qu'il avait raison ? Et pourquoi me délivrait-il cette information, maintenant ? Dans la situation la moins propice ? J'ouvrai la bouche, prête à l'interroger mais me retrouvai face au constat que j'étais incapable d'articuler le moindre mot. Ma gorge était si serrée et si sèche, qu'il m'était impossible d'en sortir le moindre son.

Extrêmement mal à l'aise, je poussai Kenan du plat des mains, le forçant à s'écarter. Il soupira, cachant à peine son agacement, mais obtempéra en me surprenant grandement. Sans manifester plus de mécontentement, il se laissa choir à ma droite, ses longues ailes noires se déployant dans mon dos mais son épaule restant suffisamment loin de la mienne pour n'établir aucun contact. Aussitôt, je ramenai mes jambes contre ma poitrine, me recroquevillant sur moi-même. La chaleur sur mes lèvres ne disparaissait pas. Et je savais pertinemment qu'elle ne le ferait pas avant de longues minutes. Les questions revenaient alors se bousculer devant ce fait. Pourquoi me faisait-il autant d'effets ? Je me mordis, durement, l'intérieur de la joue.

- Comment ça, tu le savais déjà ? Lâchai-je finalement après quelques minutes.

- Tu le savais tout autant que moi, rétorqua-t-il d'un haussement d'épaules indifférent.

- Je... n'en sais rien, murmurai-je en me crispant, fixant obstinément un point invisible, droit devant moi.

- Vraiment ? Alors tu n'as jamais tiqué sur le fait que je lise si aisément en toi, même lorsque tu tentes de m'en empêcher ? Tu n'as jamais réalisée que tu adorais être dans mes bras ? Que tu es incapable de me repousser dès le moment où je te touche ? Ou même que le lien semble plus fort chez moi que chez Maël ?

Mes dents s'enfoncèrent plus fortement dans ma peau. Il avait raison. Encore. J'avais remarqué tous ces détails. La différence entre lui et son frère était infime, mais existante. Cependant, j'avais voulu l'ignorer. J'avais voulu me convaincre d'une erreur de jugement. Car cela n'avait sinistrement aucun sens. Pourquoi Dana aurait-elle imposé ce lien aux deux frères si c'était pour en privilégier un plus que l'autre ? Cela me semblait d'une cruauté infinie. Infliger à Maël ce lien, tout en sachant qu'il n'avait aucune chance, serait indigne d'une déesse. Non ? Pourtant, la réalité semblait être celle-ci. Je portai mes doigts à mon médaillon, le triturant nerveusement. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais rien. Encore une fois.

Je me laissai retomber en arrière, mon dos percutant l'herbe légèrement humide. Je frissonnai à ce contact frais qui imbibait mon vêtement. Mes yeux se rivaient sur un ciel parsemé de nuages épais et grisonnants, annonçant une pluie prochaine. Qu'étais-je censée faire de cette révélation dont je ne comprenais pas le sens ? Est-ce que cela signifiait que je n'avais aucun choix à faire ? Que celui-ci avait été déjà fait par Dana ? Mon attirance pour Kenan était unique, puissante, envoûtante. Quand ses doigts touchaient ma peau, mon corps entier y réagissait. Se crispait. Frissonnait. Vacillait. En quémandait plus. Il était mon pot de miel et j'étais son ours. Incapable de lutter dès que son odeur effleurait mes sens.

Mais, malgré tout, je savais aussi que je tenais profondément à Maël. J'avais aimé qu'il m'embrasse. J'adorai lui parler pendant des heures. Je me sentais en confiance, rassurée lorsqu'il était avec moi. Il me comprenait mieux que le démon et était d'une attention dont Kenan ne ferait probablement jamais preuve. Il veillait sur moi, tâchait de combler la moindre de mes envies avant que je ne les formule. Et mon cœur vacillait toujours à son contact. C'était sans doute moins puissant, moins violent. Mais c'était tout aussi profond et intense. Et il y avait un autre point non négligeable : j'étais certaine que jamais il ne me piétinerait. Contrairement à son frère.

Water LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant