Ou comment le Dieu des céréales m'a prise en grippe.

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- Nous arriverons dans quelques heures, tout au plus, souffla Devon qui marchait en tête de notre petit groupe. Tu penses pouvoir tenir le coup, Maël ?

- Oui, affirma l'intéressé malgré sa pâleur voulant affirmer le contraire. Il me faut juste cinq minutes pour reprendre mon souffle.

Devon hocha la tête en se stoppant alors qu'il avait bien remarqué que Maël ne parvenait plus à suivre la cadence imposée par le loup-garou. Il balança son sac au sol dans un soupir et se laissa tomber lourdement sur celui-ci. Il était agacé de ne pas pouvoir accélérer un peu plus le pas alors que nous étions tous conscient que nos poursuivants avaient dû se rendre compte de notre départ. Il fallait que nous nous dépêchions, c'était une évidence. Mais nous ne pouvions espérer qu'un miracle par jour. Il était déjà des plus incroyables que Maël ait tenu bon jusqu'à présent.

Il ne s'était pas plaint durant les six longues heures de marche que nous venions de subir, mais un simple coup d'œil dans sa direction laissait entrevoir qu'il fournissait un effort considérable pour ne pas s'écrouler au sol. Sa peau était blafarde, ses mains tremblaient, son souffle devenait de plus en plus saccadé malgré notre arrêt et des perles de sueurs courraient le long de ses tempes. Et son état semblait se dégrader au fur et à mesure que nous avancions. J'en avais fait l'amer constat en restant précautionneusement à ses côtés depuis notre départ, tentant de veiller sur lui alors que j'avais dû admettre mon impuissance. Je ne pouvais rien faire pour l'aider.

Doucement, je l'aidai à s'approcher du tronc d'un arbre afin qu'il s'y appuyer quelques instants et il m'offrit un mince sourire peu convaincant. Devant ma grimace, il se contenta de soupirer, s'excusant du bout des lèvres de son incapacité à me rassurer. Je me contentai de donner un petit coup de poing dans son épaule pour lui affirmer qu'il n'avait pas à s'excuser et m'installait à côté de lui, mes yeux fouillant les environs. Je ne ressentais aucun danger mais cela ne suffisait pas à me détendre. Je n'avais pas assez confiance en mes dons pour me penser en sécurité et je préférai, de toute façon, me montrer des plus prudentes. Mieux vaut guérir que mourir. Non. Ce n'était pas ça. Mieux vaut prévenir que guérir ? Oui c'était plus juste. Mais dans notre cas, mourir semblait plus juste. Je soupirai à mon tour, basculant la tête en arrière pour contempler le ciel grisonnant.

- Anxieuse ?

- Aurais-je une seule raison de ne pas l'être ? Répondis-je dans une grimace contrite.

- Effectivement, question idiote, approuva Maël calmement. Et je dois admettre que je suis aussi assez nerveux. Je n'aime pas l'idée d'avoir les yeux bandés et de dépendre entièrement de Kenan et de Devon.

- Ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus pour ma part, admis-je. C'est plutôt le fait que nous ne savons pas dans quoi nous nous jetons... et le fait que j'ai un désagréable pressentiment.

- Je sais. Mais puisque nous n'avons pas le choix... reste près de Kenan. Il te protégera.

J'adressai un regard en biais à Maël dont le visage s'était fermé. Cela lui coûtait énormément de me dire cela, mais c'était pour lui la seule solution fiable pour garantir ma sécurité lorsque nous aurions intégré cette meute. Je me détournai rapidement, fixant le sol, sans lui répondre. Qu'est-ce que j'aurais pu dire ? Songeuse, je jouai de mes doigts sur le tronc rugueux de l'arbre, dans mon dos. J'aurais voulu trouver les bons mots. Le rassurer comme il parvenait souvent à le faire lui-même pour moi. Mais j'étais déjà incapable de gérer mes propres sentiments, comment prétendre gérer les siens ? J'allais soupirer quand, brusquement des gouttes d'eau ruisselèrent sur mon visage.

Water LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant