Épilogue; Reese

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LES TOURISTES m'encerclent de partout, leur appareil photo en main et l'émerveillement se lisant parfaitement bien dans leur regard. Ils prennent en photo tout ce qui leur tombe devant les yeux. D'une certaine manière, j'arrive à les comprendre. Lorsque je suis arrivé dans cette ville, dans ce magnifique pays scandinave, je n'ai pu m'empêcher de regarder tout avec émerveillement. Je venais de passer les derniers mois à courir de ville en ville, de pays en pays et c'était la première fois que nous nous décidions à nous poser. Nous avions pris le train et dès que j'avais posé le pied sur le sol, un étrange sentiment de sécurité m'avait envahi. C'est comme si cette ville me donnait un peu d'espoir, comme si j'avais enfin la chance de pouvoir repartir à zéro.

Je me faufile entre les nombreux touristes, deux cafés en main, en bousculant quelques-uns au passage. Certains me sermonnent en mandarin, d'autres en néerlandais et certains arrivent à s'exprimer en danois. Je ne me préoccupe peu de ces gens, marmonnant de vagues excuses en anglais, et je continue mon chemin en direction de l'hôtel. Calliope doit s'être réveillée à l'heure qu'il est et elle doit se demander où je suis passé.

Nous sommes arrivés à Copenhague il y a de cela près de trois semaines. Trois semaines, c'est  assez long pour Callie et moi, surtout en sachant que nous avons passé les six derniers mois à courir de ville en ville, ne s'arrêtant que pour quelques nuits tout au plus. C'est moi qui est venu avec cette idée de nous diriger vers le Danemark. Lorsque j'avais fait part de mon idée à ma compagne de voyage, elle m'avait regardé avec un mélange de pitié et de tristesse. Je crois qu'elle a simplement compris à ce moment là ce que je n'ai compris qu'une fois arrivé à destination. Le Danemark ne m'est pas venu à l'esprit de manière totalement aléatoire. Non, une partie de moi avait envie d'aller en territoire scandinave. Une partie de moi voulait venir dans cette ville, dans ce pays où est originaire mon père biologique. Au fond de moi, j'avais ce désir profond d'aller à Copenhague, là où une partie de mes origines résident. Après tout, c'est bien la seule famille qu'il me reste.

Cependant, n'allez pas croire que dès que j'ai posé les pieds dans cette ville, je suis allé retrouver mon père. Trois semaines dans cette ville et toujours rien. Je n'ose pas aller le voir et lui dire qui je suis exactement. Si ça se trouve, il a une femme et des enfants. Il a sûrement rebâti sa vie depuis le temps. Je n'ai pas envie de débarquer de nulle part et annoncer à cet homme que je suis son fils, celui qu'il a conçu avec une Écossaise il y a de cela dix-huit ans. Si ça se trouve, il ne sait même pas que j'existe. Je n'ai pas envie de bouleverser sa petite vie tranquille et ennuyeuse. Et puis, peut-être ne voudra-t-il même pas m'adresser la parole. Il n'a peut-être pas envie d'avoir à gérer un cas particulier comme le mien. Alors, je reste là, dans un hôtel à seulement quelques pâtés de rue de chez lui.

Je frissonne, alors que ces pensées sombres m'envahissent l'esprit. Je sais bien qu'un jour ou l'autre je devrai prendre mon courage à deux mains et aller me présenter à mon père biologique, mais pour le moment, je reste dans l'ombre et j'attends patiemment. Je sais que je vais avoir des regrets si j'en viens à ne jamais aller voir mon père, à ne jamais tenter de lui parler. Je trouve que ma vie est déjà assez remplie de regrets comme ça, alors inutile d'en rajouter.

Je salue le portier de l'hôtel, puis me dirige vers l'ascenseur. Bien assez vite, je me retrouve au troisième étage, à sillonner dans les corridors dans le but d'atteindre ma chambre. Celle-ci se trouve à être au fond du corridor, près de l'escalier de secours. Je salue brièvement quelques voisins de chambre, qui se trouvent à être des touristes italiens, puis je tourne à l'angle du couloir. Je tombe face à une porte qui affiche le numéro 324 et insère la clé dans la serrure. Une fillette passe alors en courant et en criant, suivie par des parents furieux du comportement de leur enfant. Il s'excuse dans un anglais maladroit, avant de disparaître dans l'ascenseur. Je pousse un soupir de soulagement, alors que je déverrouille la porte qui mène à ma chambre. Tout ces gens, ça commence à me donner le tournis. Et dire que ce n'est que le matin ! La journée risque d'être longue.

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