Chapitre 5

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Françoise se réveilla dans cette chambre pleine de souvenirs, pensant à la veille. Elle était admirative du parcours de son bien aimé. Le courage qu’il avait eu pour lutter contre la maladie, rendait Françoise fière. Elle le revoyait, toujours actif, des rêves plein la tête et des objectifs tous plus fous les uns que les autres. Il s'était mis en tête de construire une nouvelle boîte aux lettres. L'image de celle-ci, abandonnée et détruite à l'entrée de sa demeure donna à Françoise l'envie de réaliser ce projet. Elle se promit de le faire avant de partir...

Françoise opta pour un pantalon beige et enfila une chemise à fleur rose. Elle descendit à l’accueil et salua la standardiste. Françoise sorti de l'hôtel et se dirigea vers la boulangerie.

En passant devant le fleuriste, elle ne put retenir un sourire. Elle se remémora le jour où Jacques l’avait emmené dans ce magasin et lui avait tendu une rose rouge, signe de son amour éternel. Françoise l’avait remercié et c’est à ce moment-là qu’elle avait prononcé les mots « je t’aime » pour la première fois, des mots importants, des mots qu'elles ne disait jamais.

Françoise prit le temps de regarder chaque façade avec attention, de scruter les moindres détails et de les enfouir au plus profond de sa mémoire. Une chance pour elle, elle était en parfaite santé, sa mémoire était intacte. Elle en était fière. Sans cela, elle serait malheureuse. C'était sa hantise. Perdre la mémoire serait comme perdre la vie. Elle avait d'ailleurs essayé d'écrire le plus de choses possible dans un petit carnet à reliures bleues afin de garder auprès d'elle, les souvenirs les plus importants.

Françoise s'arrêta devant la boulangerie, stupéfaite. La façade aux couleurs chaleureuses qu'elle avait connue, avait laissé place à des murs fades, verts d'eau. Le nom lui-même de la boutique avait changé. Il était passé d' « Au paradis des hirondelles » , à « Paradis des deux belles ». Françoise était surprise de ces changements. Elle avait passé tellement de temps dans cette boulangerie, croquant à tout va des madeleines, se faisant offrir du pain d'épice, respirant l'odeur du pain fraîchement cuit, observant avec admiration la variété et les couleurs des produits proposés. Toute son enfance était passée par là.

Elle resta sur le pas de la porte, un moment, se laissant aller comme une enfant de sept ans à qui on dirait que son lieu de découverte allait disparaître. « Allons Françoise, ressaisis-toi, tu n'es plus une enfant » se dit-elle. Elle soupira puis entra dans la boutique. La porte aussi était nouvelle, la vieille porte surmontée d'un carillon annonçant l'arrivée des clients avait laissé place à des portes automatiques et à un cri strident à chaque entrée.

« Bonjour madame, que puis-je pour vous ? Demanda la vendeuse

- J'aurais voulu un pain de campagne s'il vous plait.

- Avec ceci ?

- Ce sera tout merci ! »

Françoise régla son achat et avant de partir, elle demanda à la vendeuse depuis combien de temps la boutique avait changé et si les propriétaires avaient vendu. Celle-ci lui répondit qu'elle n'en avait pas la moindre idée mais que pour ce qui était de la vente, oui, son patron avait racheté la boutique.

Une fois dehors, Françoise alla terminer ses courses au supermarché du coin. Celui-ci n'avait au contraire, bénéficié d'aucune amélioration depuis son installation. Il respirait la vieillesse. Les murs s'effritaient par endroit et Françoise se demandait comment on pouvait le laisser dans cet état. Il menaçait de s'écrouler à tout moment. Françoise remonta dans sa chambre d'hôtel, prépara des sandwichs pour son déjeuner et quitta la pièce, un sac à la main. Elle se dirigea vers sa voiture et démarra. Elle avait prévu d'aller manger dans un endroit qui lui était cher.

La mort dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant