Chapitre 8

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Après une soirée passée à parler avec Bernadette, Françoise retourna dans sa chambre d'hôtel. Le regard qu'elle posa sur la pièce n'était plus le même. Elle savait que c'était la dernière nuit qu'elle passerait ici. Il lui faudrait dire au revoir à tous ces souvenirs le lendemain matin. Françoise se coucha dans les draps de coton rose une ultime fois et observa le plafond. Le bois de celui-ci la replongea un soir de juin où elle avait dansé une valse pour la première fois avec son père. Son père... En y repensant, Françoise avait l'image d'un homme doux et prévenant, parti trop tôt à son goût, il avait été son modèle. Elle tenait son caractère de son côté paternel. Bernadette ferma les yeux et sombra dans les bras de Morphée.

Paul avait été un agriculteur passionné avant de se rendre compte de sa maladie. Atteint d'une maladie mortelle, il avait abandonné ses champs pour se consacrer à sa famille et la ravir avant de s'en aller et de dire au revoir à ce monde qu'il avait tant aimé. Dans bon nombre de ses rêves, Françoise le revoyait dans sa plus tendre enfance, portant une salopette dans les champs. Le sourire au lèvres, il lui tendait un râteau en riant. Françoise aimait aider son père et quand celui-ci était tombé malade, elle avait pris le relais et continué de nourrir sa famille grâce aux champs. C'est suite à une proposition de travail en ville qu'elle avait déménagé et avait quitté son petit village.

Lorsqu'elle se réveilla le lendemain matin, Françoise avait une boule au ventre. Elle se leva, caressa les courbes de l'armoire en bois de la chambre. C'était l'armoire qui avait renfermé tous ces secrets, c'était l'armoire qui l'avait vu vieillir, c'était l'armoire qui avait pris soin de sa robe de mariée, c'était l'armoire de sa vie, c'était l'armoire que personne d'autre ne devait pouvoir ouvrir. C'était la porte de son cœur, la porte de son être. Pour symboliser son interdiction pour que quiconque y entre, Françoise la ferma à clef avant de quitter définitivement la pièce.

Sur le pas de la porte était déposé un tapis tissé, vert et orange, couleur du couloir. Elle s’accroupit et le souleva délicatement. Françoise se releva, une carte dans les mains. Sur celle-ci, on pouvait voir un couple s'embrasser tendrement sur un banc. Françoise se rappelait de ce jour merveilleux, ce jour où, photographiée par Giselle, Jean l'avait demandée en mariage. Jean, Jean... Ce nom résonnait dans sa son esprit comme le plus doux des prénoms.

Le destin de Giselle avait été tout autre. Elle était la sœur de Jean. A la mort de son frère, celle-ci n'avait pas tenu le coup. Elle s'était exilée en Angleterre afin de refaire sa vie et d'oublier son grand frère, parti trop tôt. Françoise regrettait sa présence. Elle décida de lui envoyer une lettre afin de lui adresser ces dernières paroles :

« Ma chère Giselle,

C'est avec beaucoup d'amertume et de joie à la fois que je t'annonce mon départ prochain. Je pars dans des contrées lointaine, je vais là où l'on ne me trouvera pas, je vais la où mon cœur me guide. J'espère que tu garde à l'esprit que tu as mon amitié à jamais même si aujourd'hui, je t'écris ma dernière lettre.

J'ai passé des moments merveilleux à tes côtés. Je ne pensais pas avoir autant d'affection pour une femme d'une dizaine d'années de moins que moi. Je t'embrasse tendrement et te souhaite tout le bonheur du monde.

Avec toute mon amitié, Françoise. »

Françoise demanda à la standardiste de poster cette lettre pour elle et quitta définitivement l'hôtel, non sans y avoir jeté un dernier regard triste et décidé. Son voyage prenait fin. Françoise savait que ses derniers adieux approchaient. Elle avait passé plusieurs semaines sur les routes, sur les traces de son passé. Elle avait refait le parcours de sa vie et il était temps pour elle de dire au revoir aux personnes qui comptaient le plus pour elle. Elle entreprit donc de faire le chemin inverse et de retourner chez elle.

Il était encore tôt quand Françoise se gara sur le parking d'un cimetière. Elle sortit de sa voiture, un bouquet de pensées achetées auparavant. Elle avait choisi les fleurs bleu, couleur de l'immensité, couleur préférée de sa grand mère. Françoise marchait doucement dans les allées, le pas franc ; les mains tremblantes, elle déposa le bouquet sur la tombe de ses parents. Elle s'assit sur le marbre dur, regardant la photo qui ornait l'édifice. Jaunie par les années, elle en restait le plus beau souvenir qu'elle gardait de ses parents. Les yeux embués de larmes, Françoise déposa un baiser sur le marbre froid avant de se relever. Elle regagna sa voiture, souriante.

Après cette dernière visite, Françoise était joyeuse à l'idée de fêter noël avec toute sa famille. Elle devait préparer la fête afin qu'elle soit inoubliable... Il lui restait trois jours pour tout organiser.

La mort dans l'âmeWhere stories live. Discover now