Epilogue : Un café noir et une sucrette

4.7K 350 29
                                    

À quelques milliers de kilomètres de New York City, dans l'Oregon, plusieurs jours plus tard

Mais qui parle ?

Le froid me paralyse les doigts, je ramène mes mains contre ma bouche et souffle dans la cavité étroite, ah ça fait du bien bordel. Les rues de Portland ne sont pas bondées en ce mois de janvier. C'est comme si la ville ralentissait et prenait un rythme de croisière, autant dire qu'il n'y a pas un chat dans les rues.

Ce paysage où les habitants fantômes semblent faire cœur avec lui, des éléments indissociables et indispensables qui piétinent sur les trottoirs m'apaise. La réflexion de lumière sur les façades brunes et rousses semble gelée un moment.

Je souris et mes joues me brûlent, elles doivent être rougies par l'hiver.

Un nuage de fumée blanche s'échappe de ma bouche encore ouverte et mes pas me dirigent vers un petit café à quelques mètres. Pénétrer dans celui-ci me bouleverse. La transition de température me donne presque de la fièvre.

Au comptoir, une femme qui griffonne sur un papier et tient la caisse. Elle m'est inconnue et paraît bien énervée par sa tâche alors je m'approche en espérant réellement ne pas recevoir les foudres de cette fille en pleine face.

« Bonjour, je voudrais comman –... commencé-je avant d'être coupée.

— La caisse est fermée, répond fermement la femme, le nez collé sur sa feuille noircie. »

Je grimace tandis qu'elle me tourne le dos. Quelle conne. En attendant qu'elle reporte son attention vers moi, sa cliente, je balaie du regard la pièce. Elle n'est pas très grande, mais juste assez éclairée pour qu'elle paraisse confortable. Je ne me rends pratiquement jamais ici, ce n'est pas mon quartier, mais il y a une âme entre ces quatre murs de pierre et de bois. Sur un mur est accrochée une télé qui n'est pas un modèle très récent, le son y est à moitié coupé, mais je reconnais les personnes à l'écran.

Sur le bandeau d'informations est indiqué le nom de Sharon Dawson qui vient de recevoir sa condamnation pour trois ans de prison ferme pour détournement de fond. On peut voir différentes scènes de journalistes caméras braquées sur le parvis du tribunal de Manhattan, ne cessant pas de parler. Il y a aussi des images en pêle-mêle de son ex-mari, Caleb Barnes et d'elle, tous les deux souriant. Puis, se succèdent des photos volées de cet homme et de sa nouvelle copine, une Anglaise, dans divers moments. Un red carpet, un restaurant, une sortie de travail, sans discontinuer.

Enfin, quelques vidéos du procès sont diffusés. Mais ce qui me marque réellement, c'est le visage de Sharon qui reçoit sa sentence. Elle ne cille pas, elle ne geint pas non plus, elle sait et comprend ce qui lui arrive. Cette Dawson cache quelque chose. À plusieurs reprises, elle esquisse des sourires.

Il y a un truc qui cloche. Elle ne peut pas être aussi calme, elle attend quelque chose, je crois que la famille Barnes n'en a pas encore fini.

Mon regard s'accroche à l'écran. Je suis captivée par toutes ses informations croustillantes.

« Madame ? Quelqu'un agite son bras devant moi. Je suis prêt à prendre votre commande. C'est un homme petit et rondouillard qui s'adresse à moi. Excusez-nous, notre collègue est un peu grognon aujourd'hui. Ce n'est pas faute de lui avoir dit de se calmer. Il est compatissant.

— Si vous saviez, je suis pareille lorsque quelque chose ou quelqu'un me tient à cœur. Je souris en sortant un vieux porte-monnaie élimé. Il a bien vécu. »

Dans ma main, je sors quelques pièces en foutoir, il y a même un vieux bouton qui s'y retrouve. Sur sa vieille caisse enregistreuse, l'homme se tient prêt à taper.

« J'aurais besoin de votre prénom mademoiselle. Il sourit tandis que je le dévisage, perplexe.

— Pour quelle raison ?

— Pour que je vous appelle par votre prénom lorsque vous viendrez ici dans le futur. Il rit et reprend. C'est la recette de la maison, la convivialité. »

Je dépose l'argent devant lui dans une coupelle et décide de répondre.

« Je suis Élie Cobb.

— C'est un plaisir de vous rencontrer Élie ! fait-il, réellement joyeux. Bref, qu'est ce que ce sera pour vous ma petite ? »

La réponse est instinctive, sans réfléchir, celle qui me correspond le mieux.

« Un café noir et une sucrette, s'il vous plaît. » 

Chocolat Chaud et Chantilly [Tome 1]Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang