Le prix de la liberté

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    « The devil whispered in my ear,
'You are not strong enough to withstand the storm.'
Today I whispered in the devil's ear,
'I am the storm.' »
- Unknown -

-Era, réveille-toi, chuchota une voix doucereuse.

    Je me réveillai en sursaut, la chambre était plongée dans la pénombre, mais une silhouette se découpait dans l'obscurité, assise au bord de mon lit.

    -Galaad ? appelai-je, mais que fais-tu sur mon lit ?

    Il rit doucement.

    -Calme-toi, chère sœur, je ne vais pas te manger.

    -Qu'est-ce que tu veux ?

    Ses yeux dorés se mirent à briller.

    -Dangereuse question, petite sœur...

    Je soupirai.

    -Ne fais pas l'idiot, que fais-tu là ? Il est 4 heures du matin, Galaad !

    Il se leva et s'assis encore plus près de moi, plongea ses yeux dans les miens, et pour une fois, il n'était ni moqueur ni mauvais, juste préoccupé et ... était-ce de la pitié ?

    -Petite sœur, commença-t-il, d'une voix douce, je devais venir te prévenir.

    Je me redressai, mon cœur se mit à battre la chamade, je pensai aussitôt à Iris, lui était-il arrivé quelque chose ?

    -Galaad, que s'est-il passé ?

    -Beaucoup, beaucoup de choses... notre monde vient de basculer.

    Je le regardai droit dans les yeux.

    -Raconte.

    -Les Représentants ont été assassinés, Era. Tous, sauf les membres des quatre Familles.

    -Quoi ? m'étranglai-je, mais c'est impossible... qui ... qui a pu faire ça ?

    -Calme-toi, Era.

    J'essayai de calmer mon hystérie et fermai les yeux, m'attendant au pire.

    -Melech Malkam les a assassinés, il a pris le pouvoir sur la Tour.

    Un filet de sueur perla le long de mon dos. Non. Je ne voulais pas y croire. Tuer était interdit. Nous étions en démocratie, une démocratie bancale, mais tout de même.

    -C'est un coup d'État, petite sœur. La famille Malkam dirige la Tour d'Ivoire, à présent. Melech s'est autoproclamé roi de la Tour.

    -Et les Familles, chuchotai-je, ont-elles accepté ?

    -Elles n'ont pas eu le choix, mais, franchement, je ne crois pas que cela les dérange. Ce n'est pas seulement le règne des Malkam, mais le règne des quatre familles, petite sœur. On est les rois, tu comprends, Era ? Comme cela aurait toujours dû être le cas.

    Non, je ne voulais pas comprendre. C'était un cauchemar. J'allais me réveiller. Nous nous étions fait duper. J'aurais dû m'en douter. Melech était trop arrogant pour se contenter d'être simplement une des personnes les plus influentes de notre société, il voulait gouverner, être roi.

    -Personne n'a rien fait pour l'en empêcher ? Et père ?

    Il sourit.

    -C'est là que ça devient intéressant pour nous, ma très chère sœur. Père était au courant, il a travaillé main dans la main avec Melech pour que ce coup d'État ait lieu. Il est le bras droit du roi, Era ! Nous sommes la deuxième famille la plus puissante ! On peut tout faire. Père et lui ont depuis des années créées une armée, des militaires surentrainés, qui sont, à l'heure où je te parle, en train de se déverser dans toute la Tour, d'assassiner les possibles opposants et d'emprisonner les autres.

    -Un régime totalitaire. Comme dans les livres d'histoire, murmurai-je, d'une voix blanche. Il n'y aura plus de liberté, n'est-ce pas ?

    Je regardai mon frère avec l'espoir fou qu'il me contredise, que Melech voulait bâtir un monde plus juste, mais je ne me faisais pas d'illusions, Melech était un salaud.

    -Tout dépend pour qui. Pour eux, non. Mais pour les quatre familles, si. Nous aurons tout. Encore plus qu'avant. Par contre, à ta place, je m'en ferais pour ma liberté.

    Mon sang se figea dans mes veines.

    Galaad me caressa la joue, tout en me dévisageant avec cruauté.

    -Ma pauvre sœur chérie... ton monde à toi vient effectivement de s'écrouler... à ta place, je profiterais des derniers instants de liberté qu'il me reste.

    Il se leva.

    -Sois forte, petite sœur, demain sera une grande journée pour toi. Au fait, mère voudrait que tu mettes tes plus beaux vêtements demain.

    -Pourquoi ? demandai-je, la gorge soudain sèche.

    -Le roi Malkam fera son premier discours, devant l'ensemble des Ivoiriens. Un grand moment.

    -Tout cela semble te réjouir. Notre vie vient de voler en éclat, nous allons vivre sous une dictature tyrannique et toi ça t'amuse ? crachai-je avec mépris.

    -Ne parle pas ainsi de notre roi adoré, tu pourrais être exécutée pour trahison et je serai déçu de ne plus voir ton joli visage chaque matin. Cela me réjouit en effet, nous avons été trop bons avec tous ceux qui nous détestent, tous ceux qui pensent que les quatre Familles n'ont plus aucune légitimité. Ils verront ce que c'est de s'opposer à nous. Nos familles ont été créées pour régner, pas pour se soumettre.

    - C'est Melech et personne d'autre qui règnera, et tu es un imbécile si tu crois le contraire.

    Il me regarda avec colère.

    -Tu n'as jamais rien compris à la politique, Era. Je serais plus puissant que tu ne le seras jamais. Mais tu vas regretter amèrement chacune de tes paroles ces prochains jours, ta vie ne t'appartiendra plus, et tu ramperas devant moi pour que je te regarde encore en tant que sœur. Tu me supplieras.   

    -Dans tes rêves, sifflai-je.

    -Tu le regretteras. De toute façon d'autres s'en chargeront à ma place. Je crois connaitre qui se fera une joie de t'humilier, susurra-t-il, oh, mais j'en dis trop ! Ne gâchons pas la surprise ! Bonne nuit, très chère sœur.

     À peine eut-il fermé la porte que je m'écroulai sur mes coussins et restai là, à contempler le plafond. Je ne pleurai pas. Je ne pleurai jamais.

J'étais terrifiée. Je ne réussis pas à fermer l'œil de la nuit. Ayaan, Melech, ma mère et Galaad ne cessaient de me hanter.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant