La fille du passé

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« Some children are simply born with tragedy in their blood. »

Trois jours, trois misérables jours me séparaient de mon mariage avec Ayaan Malkam. J'en avais des frissons rien que d'y penser.

Je n'avais pas revu Iris depuis notre dispute. C'était le calme plat, je n'avais plus aucune nouvelle de celle qui avait toujours fait front à mes côtés, me soutenant de sa bonne humeur contagieuse et de sa légèreté apparente qui cachait une rigueur inculquée depuis l'enfance. Iris Dolora était ma meilleure amie et je craignais de l'avoir perdue pour toujours.

Heureusement, la douce Anna était là. Elle ne pouvait remplaçait Iris, personne ne le pouvait, mais sa présence était un véritable don du ciel. Je ne la connaissais que depuis quatre jours, et pourtant, j'éprouvais pour elle une affection toute particulière. Un peu comme une grande sœur pour sa petite sœur.

Anna avait 15 ans, elle travaillait depuis peu pour la famille Malkam. Avant cela, elle avait été la domestique d'une vieille femme, morte récemment. Elle ne m'en avait pas dit plus, je compris rapidement que c'était un sujet sensible chez la jeune fille.

Étrangement, elle n'était pas comme les autres domestiques que je connaissais, qui n'osaient jamais dire le moindre mot de peur de manquer de respect. Elle était différente, tout en me parlant avec une extrême politesse, elle me racontait des petites anecdotes de sa vie, me souriait, me coiffait, m'aidait. Je m'étais surprise à me confier à elle l'autre nuit, je lui avais fait part de mes craintes et de mon dégout d'épouser Ayaan. Je pensais qu'elle allait me sommer de me taire et de ne pas dire du mal de notre cher prince, au contraire, elle s'était agenouillée devant moi et avait pris mes mains dans les siennes, puis elle m'avait fait cet incroyable sourire dont elle avait le secret. Elle m'avait rassuré, me disant que tout s'arrangerait, que j'étais quelqu'un de bien, et que la vie me sourirait bientôt. Je n'y croyais pas trop, mais sa bonté m'avait réchauffé le cœur.

Ce matin-là, elle était venue me retrouver un peu échevelée, le souffle court, l'air hagard.

-Pardonnez-moi, dame Era, je... je ne me suis pas réveillée à temps...

Sa voix tremblait, je la rassurai d'un geste.

-Ne t'en fais pas, Anna. Ça arrive à tout le monde. Rassure-toi, c'est déjà oublié. Et je te le répète, appelle moi simplement Era.

Elle hocha la tête, ses cheveux s'échappèrent alors de sa coiffe et tombèrent en cascade sur ses épaules frêles.

Une idée me vint. Je me levai et lui présentai la chaise, devant la coiffeuse.

-Enlève-moi cette coiffe hideuse. C'est moi qui vais te coiffer, aujourd'hui.

Anna fixa ses grands yeux rouges sur moi, une profonde incompréhension s'y lisait.

-Mais madame... enfin, Era, je....

- S'il te plait, Anna, laisse-moi m'occuper de toi, tu as déjà tant fait pour moi.

Après quelques secondes d'hésitation, elle retira sa coiffe et laissa ses boucles noires glisser le long de ses côtes.

Doucement, je commençai à lui peigner les cheveux, en faisant attention à ne pas défaire ses boucles. Je lui mis ensuite du mascara, un peu de fard à joue, elle était si pâle ! En revanche, je ne fis rien pour cacher les quelques taches de rousseur qui constellaient son petit nez.

Lorsque j'eus fini, je contemplai mon œuvre avec fierté. Anna n'était plus obligée de cacher sa chevelure somptueuse qui épousait son corps avec délicatesse. Elle se leva, tremblante. Elle était petite et menue, je la dépassais de plusieurs têtes, moi qui étais déjà si grande.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant