Le sceau du prisonnier

4.8K 441 32
                                    

« But in the end, everyone turns out to be the person they swore they'd never become. »

J'étais encerclée. D'un côté, ces hommes et ces femmes sans visages, couverts de sang et de crasses, dégageant une odeur de mort, leurs mains couvertes de cloques étaient tendues vers moi avec avidité. De l'autre côté, rien qu'une seule personne, aux multiples visages.

    C'était d'abord ma mère, ses yeux inquisiteurs d'un bleu profond semblaient me regarder sans vraiment me voir. Puis le visage dur de celle-ci fut remplacé par celui, plus doux, de mon père, puis de mon frère, Sofian, Morgan, Iris...

    Les hommes bêtes cherchaient à m'agripper par mes vêtements, je me débattais furieusement, mais je perdais du terrain. Je hurlais à m'en déchirer les cordes vocales. Mais rien n'y faisait, ils me voulaient.

    En désespoir de cause, je me retournai vers le visage froid qui me considérait avec un détachement effrayant. Des cheveux blonds, des yeux gris aussi clair que l'eau limpide d'une rivière. Ayaan. Je tendis une main vers lui, les yeux remplis d'une supplication muette.

    -C'est trop tard, Violette, trop tard, souffla-t-il si bas que je crus avoir mal entendu.

    -Non ! hurlai je, je t'en prie, aide-moi !

    Il se détourna et partit en sens inverse, me laissant seule avec les bêtes-hommes qui grognaient furieusement derrière moi. Je fermai les yeux, attendant ma fin.

-Era, réveille-toi ! C'est important !

Je me réveillai en sursaut, une petite main vint se poser sur ma bouche, faisant mourir le cri qui menaçait de s'échapper des tréfonds de mon être. Je n'avais plus fait de cauchemar depuis les jours qui avaient suivi la mort de grand-mère, les médicaments que me prescrivait le docteur Silman m'évitaient de vivre de tels supplices nocturnes, les cauchemars n'étant pas bien vus dans notre société où tout devait être contrôlé.

    Anna me surplombait, ses yeux rouges paraissaient presque noirs dans la pénombre. La terreur que j'y lus ne m'aida pas à ralentir les battements affolés de mon cœur, signe que ce maudit cauchemar m'avait plus atteint qu'il n'aurait réellement dû.

    Ce n'est qu'un cauchemar, Era, reprends-toi, tentai-je de me convaincre.

    -Que se passe-t-il, Anna ? demandai-je d'une voix encore ensommeillée, j'espère que tu as une bonne raison de me réveiller à - je me tournai vers l'horloge digitale posée sur ma table de nuit - 4 heures du matin ...

    -Le mariage a été avancé... chuchota-t-elle tout en me prenant par les épaules.

    Je me redressai vivement, elle me lâcha et me regarda avec pitié.

    -Explique-toi.

    -Je suis venue aussi vite que j'ai pu, votre... enfin, Ayaan s'est levé tôt, comme tous les jours, pour ses entrainements, il a alors réussi à convaincre son père d'avancer le mariage, j'ai épié leur conversation et je suis venue aussi vite que j'ai pu. En ce moment même, vos parents en discutent avec les Malkam.

    -Ce n'est pas vrai... c'est un cauchemar...

    Je me pris la tête dans les mains et essayai tant bien que mal de rassembler mes idées.

    -À quand le mariage est-il avancé ?

    Je connaissais déjà la réponse, officiellement, il était dans deux jours, pas besoin d'être un génie pour comprendre. Anna sembla comprendre et ne fit aucune remarque.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Where stories live. Discover now