La force comme seule reine

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Every breath you take
Every move you make
Every bond you break
Every step you take
I'll be watching you
[...]
Oh can't you see
You belong to me
My poor heart aches
With every step you take
~
(Every breath you take, The Police)

12 ans avant...

Une autre fête, un autre bal, des centaines de gens, de nobles. Ces mêmes visages, encore et encore, que je voyais depuis que j'étais née.

     -Regarde-les, ma chérie, ils donnent l'impression d'être sûr d'eux, de dominer le monde, mais c'est faux. Ils possèdent tout, mais il leur manque la chose la plus importante que puisse désirer un homme.

    J'avais 6 ans à l'époque. Assise à la table des hauts dignitaires Ivoiriens, entourée de ma famille et des amis de cette dernière, je m'ennuyais à mourir. Pour couronner le tout, Iris était malade ce jour-là.

    Heureusement, grand-mère était là. Elle se débrouillait toujours pour avoir la place à ma gauche. Maria Eléazar était la grâce incarnée, douce et aimante, je l'aimais comme ma propre mère. Ses longs cheveux blonds, qu'elle n'avait jamais coupés de sa vie, étaient noués en un chignon compliqué, des perles agrémentaient le tout. Sa robe bleu roi lui donnait l'allure d'une reine. La mère de mon père était la descendante directe des Eléazar et avait épousé mon grand-père, Selech, un homme dur, mais très effacé. Les Eléazar n'avaient jamais eu de dirigeants aussi bons et talentueux qu'elle, les Malkam de l'époque, la mère de Melech, notamment, la détestait.

    Ma grand-mère était différente des autres, elle ne pensait pas comme eux, c'était une lumière au milieu de toute cette obscurité. Je n'oublierai jamais l'éclat particulier qui illuminait ses yeux bruns. Intelligence, justice, bonté, semblaient-ils crier.

    Ses yeux me fascinaient et encore maintenant, leur nuance particulière me hantait. Brun. Couleur qui avait été banale à une époque. Plus maintenant. Avec la manipulation génétique, tout le monde cherchait à sertir son enfant à naitre d'une couleur d'iris plus extraordinaire que les autres. J'étais le résultat de tout ça. Les plus beaux yeux de la Tour.

    Ceux de ma grand-mère étaient tout ce qu'il y avait de plus naturel. Comment cela avait-il été possible ? Pourquoi ses parents avaient-ils décidé de ne pas intervenir ? Je n'en savais rien.

    À présent, le brun était pour moi la plus belle couleur d'yeux qui soit, et la plus rare également. Comme quoi de si petites choses prenaient parfois des proportions particulières.

    -Qu'est-ce qui leur manque, grand-mère? avais-je demandé à voix basse.

    Grand-mère avait regardé ses pairs, un vague sourire sur les lèvres.

    -La liberté, ma petite Violette, la liberté, avait-elle répondu dans un souffle, le regard toujours fixé sur l'assemblée.

    Violette. Elle m'appelait toujours ainsi. Violette. En référence à mes yeux. Elle disait que c'était la plus belle couleur qu'elle avait jamais vue. Parfois, elle me demandait de la regarder et restait ainsi pendant des heures, simplement à contempler mes yeux.

    Tout le monde m'appelait Violette à cette époque, puis, lorsqu'elle est morte, je n'avais plus jamais voulu entendre quelqu'un prononcer ce mot devant moi. Il n'appartenait qu'à ma grand-mère.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Where stories live. Discover now