Vert Emeraude

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« Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s'il n'avait tant mortifié le mien »
Orgueil et Préjugés de Jane Austen

Je ne pouvais peut-être pas voir, mais je pouvais toujours sentir. Les odeurs défilaient sans que je sache d'où elles provenaient, mais j'étais presque sûre que nous étions dans une zone forestière, l'odeur des pins, de terre surplombaient tout. Et que dire de cette sensation absolument fantastique du vent jouant dans mes cheveux, de sa cinglante caresse sur mon visage. J'en pleurais. Je pleurais de joie. J'aurais tant voulu voir. Je n'avais jamais autant été heureuse qu'en cet instant. Ce vent sur ma figure était une bénédiction, il signifiait que nous allions vite, que nous mettions le plus de distance possible entre nous et la Tour, entre les miens et moi.

Gabriel ne dit pas un mot pendant toute la chevauchée, y compris avec ses camarades, mis à part quelques mots échangés dans leur langue, personne ne prononça le moindre mot. Et c'était mieux ainsi, parce que pendant quelques instants, j'oubliai que je me rapprochais d'un lieu que je ne connaissais pas, d'une nouvelle vie, de nouveaux dangers, d'une vie de mensonges. Et d'inconnus qui ne parlaient même pas la même langue que moi...

Les chevaux ralentirent enfin pour finir par rester au pas. La peur ressurgit, mon cœur se mit à battre de plus en plus fort.

Gabriel se mit à parler avec les deux autres hommes qui nous accompagnaient, dans leur langue, bien évidemment. L'autre homme, celui qui m'avait brutalement apostrophé, répondit sèchement, tandis que le troisième rit à nouveau.

​-Nous sommes arrivés, me chuchota doucement Gabriel, je vais t'enlever ton bandeau.

​Ses mains défirent précautionneusement le nœud tandis que la vue me fut enfin rendue. Je clignai des yeux, éblouie par le soleil.

​Gabriel m'aida à descendre du cheval, tandis que les deux autres hommes, que je n'avais pas encore vus, en firent de même.

​Gabriel me sourit, ses yeux couleur mousse pétillant de malice.

​-C'est beau, n'est-ce pas ?

​Je laissai échapper un soupir de joie, et posai une main sur ma bouche. J'étais émue, si émue que mes yeux se remplirent de larmes. J'avais plus pleuré aujourd'hui que durant toute ma vie.

​La première chose qui me frappa fut le soleil, sa splendeur unique, et sa chaleur qui réchauffait ma peau. Le soleil artificiel de la Tour d'Ivoire n'était que sa pâle copie. Les miens, aussi brillants fussent-ils, n'avaient pu recréer cette lumière sans égale, cette clarté divine, et cette chaleur... Cette chaleur qui vous remplissait de bonheur, qui mettait du baume au cœur... Tout simplement inégalable. Et le ciel. Et les nuages... Il y avait tellement de choses à voir que j'en eus le tournis.

​Gabriel rit sous cape.

​-Il y a aussi de belles choses à voir en bas, Lévana, s'amusa-t-il.

​Je baissai alors les yeux, et restai muette de stupéfaction.

​Une forêt. La montagne. Nous étions sur une montagne. Des arbres immenses et massifs filaient droit vers le ciel, des cabanes y avaient été construites, des grandes, des petites, des somptueuses, des plus modestes, et des ponts les reliaient, mais la vie était aussi en bas, des maisons de toute taille et de toutes couleurs, et des gens, une foule de gens. Un village, c'était une ville ! Construite dans les arbres ainsi qu'au sol. Plus loin, je pouvais apercevoir une prairie où des enfants jouaient, et j'entendis même le bruit de l'eau, une cascade peut-être ? L'endroit était escarpé, et la ville construite sur plusieurs niveaux, de sorte qu'il fallait lever la tête pour apercevoir le reste du village, il semblait sans fin.

​Tant de vie... Tant de sérénité et de paix en ces lieux... C'était magnifique.

​-C'est votre village, n'est-ce pas ? dis-je d'une voix emplie d'émotion.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Donde viven las historias. Descúbrelo ahora