Chapitre 5

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Cette matinée est passée bien trop lentement. Lorsque je sors du lycée, j'aperçois la voiture de maman. La matinée a été éreintante et je n'ai qu'une envie : rentrer à la maison pour m'étendre sur mon lit. Malheureusement, j'ai rendez-vous avec le monsieur du tatouage.

— Monsieur Edmond n'habite pas très loin d'ici, m'informe maman. Le trajet ne sera pas long.

Maman se gare devant un vieux taudis peu rassurant. Une cheminée grise dépasse légèrement du toit constitué de tuiles rouges, salies par le temps, les murs sont faits de briques grises et, d'ici, je n'aperçois qu'une fenêtre. Le jardin a, pour seule décoration, un vieux banc marron enraciné sur la pelouse jaunie.

Un chemin de graviers étroit et sinueux, conduit à la porte d'entrée.

Un vieil homme ouvre la porte. Les cheveux courts et gris, une peau blanche et un nez imposant soutient des lunettes rectangulaires sans montures. Un jean à moitié repassé masque ses jambes osseuses et de vieilles pantoufles usagées lui réchauffent les pieds. Il nous fit signe d'entrer et nous proposa de nous installer sur son canapé.

— Bonjour, je m'appelle Edmond. Je suis le tatoueur officiel du Monde Du Vol, tu es Steacy c'est ça ?

Il a une étrange façon de regarder. Presque flippante !

— Oui, j'ai eu ma RDV il n'y a pas longtemps.

Il a un mouvement de recul, comme si je l'avais offensé. Il se penche ensuite vers moi. Son visage est assez proche du mien pour que je perçoive son souffle.

— RDV ? Mais on ne parle pas comme ça jeune fille, c'est très impoli ! On dit Révélation Du Vol ! Le bon Dieu nous a fait don de la parole, on en profite. On ne fait pas d'abréviations !

Je ne sais que répondre. Il me sermonne alors qu'on ne vient à peine de se rencontrer ! Les gens comme ça m'énervent vraiment !

— Bon, passons, continue-t-il en balayant l'air de la main, comme pour chasser cette conversation inutile. Je vais tout d'abord procéder aux tests, puis à ton tatouage et enfin je te rajouterai sur la liste. Tout d'abord, tu vas me dire comment s'est passée ta Révélation Du Vol.

Il a une manière de dire les choses très embarrassante, tu sens son regard perçant sur toi, on dirait un psychopathe avec ses lunettes sur le bout du nez. Je lui explique tout de même les conditions dans lesquelles j'ai appris mon identité de volante et précise que je suis dotée du pouvoir de la gravité. À chaque fois que je dis quelque chose, il le note sur son carnet. On dirait un psychologue.

— Montre-moi ça, je te prie.

Je te prie, je te prie, il se prend pour un curé ?

Je lui fais une petite démonstration avec une chaussure qui traîne par terre. Il hoche vaguement la tête et note je ne sais quoi dans son carnet.

— Bien, maintenant, je vais te faire une prise de sang.

Certaines personnes paniqueraient au mot «sang», pas moi. Tout ce que je veux, c'est partir de chez ce vieillard. Quand advient le moment du tatouage, il me passe une crème sur l'avant de mon bras, puis saisit un papier portant le motif qu'il va me faire. D'une main habile, habituée à la manœuvre, il retire un film transparent, un peu comme sur les tatouages éphémères, et me l'applique sur le bras. Ça me brûle la peau. Mais ce n'est rien comparé à ce qu'il me fait ensuite subir... Il vaporise un liquide jaune dont l'odeur ressemble fort à celle de l'alcool. Petit à petit, le morceau d'étoffe s'est déchiré en plein de petits morceaux comme si on le passait sous l'eau et qu'on le frottait. Il prend alors une seringue. Maman m'enjoint vivement à ne pas regarder, m'évitant de voir la taille de l'aiguille. Tout ce que je sais, c'est qu'elle est grosse. Bien trop épaisse pour ne rien sentir.

Ma Double Vie - Livre I : Perdre l'équilibreWhere stories live. Discover now