Act. 8

164 36 45
                                    

       Deux semaines sont passées depuis le retour de Sacha dans ma vie. Deux semaines passées à réviser la scène que nous devons présenter à Johansson dans quelques jours. Par pure professionnalisme, nous avons mis notre fierté de côté et nous avons revu la scène ensemble. Il n'y a pas eu de pique, ni de crasse. Je n'avais pas la force de le provoquer, trop blessée par le fait qu'il ait soulevé l'affaire qui pèse au-dessus de ma famille.

Mais ce que Johansson nous a demandé de lui présenter, il faut que ce soit parfait. Cette scène reflète le caractère profond des personnages, Brooke et Andrew. Elle met en avant cette haine qui se partage entre eux, mêlé à cet amour qui — on l'ignore — est faussé. Je n'ai pas pu m'empêcher de trouver la situation ironique, comme si l'univers nous avait réuni pour jouer une comédie musicale qui traite plus ou moins de ce que nous avons toujours vécu.

Les personnages cherchent à se séduire, faisant tous les deux parties de deux familles qui se détestent. Le but étant de trouver la faille, de jouer l'amoureux transi, mais de se haïr et de se mépriser lorsque l'autre a le dos tourné. Il y a de nombreuses scènes où Brooke se retourne vers le public et grimace de dégoût, juste après avoir faussé son attirance pour Andrew.

Évidemment, c'est drôle. Brooke est une jeune-femme extrêmement joviale, presque ridicule parfois, mais d'une force incroyable.

Mais c'est dans cette scène que nous relevons le tragique de la situation, que nous pouvons nous permettre d'estomper la comédie. La scène survient peu de temps avant la fin de la pièce, lorsque les deux personnages ne réussissent plus à faire semblant. Peu de temps après une scène où Brooke avoue à ses amies qu'elle est attirée par Andrew. Je chante une sérénade, jouant l'idiote... et ça me fait déjà frissonner. Finalement, Brooke est amoureuse d'Andrew, sauf qu'ils ont tous les deux une mission à remplir. Mais quand la pression devient trop lourde à porter, que l'attirance se mélange à ce mépris caché depuis le début, nos personnages manquent de s'entretuer.

C'est ce qu'on devra lui présenter. Nous deux, hurlant l'un sur l'autre, à deux doigts de nous faire la peau. Ça ne devrait pas être trop difficile, nous en rêvons depuis toujours.

Ce soir, ce n'est plus l'heure des révisions. Je suis assise en tailleur sur le lit de Yann, dévorant mon burger dégoulinant de cheddar. Pour ma défense, j'ai fait un footing ce matin. Peut-être que si je n'avais pas voulu performer sur scène toute ma vie, je ne me serais pas sentie obligée d'aller courir, mais je veux performer sur scène toute ma vie, alors...

Loris ne dit rien, allongé à côté de moi, le bras couvrant ses yeux. Il est extenué par son stage.

— On doit retrouver tes amis à quelle heure ? je demande, la bouche à moitié pleine.

Yann me répond tout en tapant son fard à paupière violet sur son ras de cil inférieur. La couleur ressort parfaitement sur sa peau noire, c'est sublime.

— Il n'y a pas d'heure, on a rendez-vous dans un bar. On se retrouve là-bas, c'est tout.

— Un bar ou un club ? gémit Loris presque endormi.

Je lui donne une tape sur le front, lui demandant de rester éveillé.

— Un club, avoue Yann dans une petite moue coupable. Mais pour une fois que vous voulez bien sortir avec moi, je n'allais pas me tirer une balle dans le pied.

— Tu viens tout juste de te tirer une balle dans le pied.

Je souris. Yann est le plus extraverti de notre trio. Depuis toujours, il a des amis dans tous les recoins de la ville. Ce n'est pas pour autant qu'il n'aime pas traîner avec nous, mais il apprécie avoir plusieurs options et connaître du monde. À l'inverse, Loris et moi sommes plus réservés. Notre trio est suffisant, et quand Yann s'amuse à fréquenter la terre entière, nous restons tous les deux.

SupernovaTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang