Supernova

Act. 41

      Nous sommes déjà en route pour nous rendre je ne sais où. Je suis installée sur le siège passager, contemplant avec apaisement les lumières de New-York.

— Tu as mangé ce soir ?

J'acquiesce d'un signe de tête comme pour me convaincre et je lui réponds que oui.

— T'as mangé quoi ?

— Ma mère a préparé un plat cubain avec de la viande.

Mon ventre se noue. J'ajoute :

— J'ai pris un peu de riz et un peu de viande.

— Ton corps a besoin de nourriture, Ivy.

— Je sais.

Un silence suit ma phrase. Je me sens mal, car la vérité n'est pas belle à reconnaître. J'ai mangé, mais pas énormément. Ma portion de riz et de viande n'aurait même pas suffi à nourrir un enfant de dix ans.

— Mais je suis fier de toi, enchaîne-t-il. C'est déjà mieux que rien du tout.

Soudain, le nœud dans mon estomac se défait et je respire un peu mieux. Je le regarde avec beaucoup de reconnaissance, plus ou moins apaisée par sa remarque. Je m'enfonce au fond de mon siège en fixant mon regard sur la vitre à côté de moi. Un silence s'installe dans la voiture mais ça ne nous fait pas de mal. Je réalise simplement à quel point je suis heureuse d'être avec lui ce soir.

Mon cerveau est vide pour la première fois depuis un petit moment. Même si tout ne va pas bien, je sais quand même que les choses s'arrangeront.

Je suis ramenée à la réalité quand de la musique retentit dans la voiture. Je tourne la tête vers Sacha qui semble être fier de lui, et je comprends pourquoi quand j'entends les premières notes d'une musique que j'adore.

— Si t'aimes plus Taylor Swift, je vais passer pour un idiot.

— Tu es déjà un idiot si tu penses que je n'aime plus Taylor Swift.

Je me mets à changer les paroles de Love Story sans attendre. On ne peut pas dire que je sois une fan de Taylor, parce que je ne crois pas être fan de qui que ce soit à l'exception de Barbra Streisand et de moi-même — parfois. Mais j'adore ses musiques, j'adore l'impression qu'elles me donnent et l'envie que j'ai de les chanter en hurlant quand j'entends les premières notes.

Et parce que je suis une enfant de la scène, je n'ai jamais honte de chanter à tue-tête et de me lâcher, peu importe la personne qui est à côté de moi. Et de fil en aiguille, nous voilà à nous faire un enchaînement des musiques de Taylor.

Quand je lance The way I loved you, je ne réponds plus de moi-même.

— But I miss screaming and fighting and kissing in the rain, and It's 2:00 a.m. and I'm cursing your name !

Sacha se met à crier avec moi, ce qui me surprend, d'autant plus qu'il ne se mêlait pas à mon karaoké improvisé depuis le début.

— So in love that you act insane ! nous chantons en hurlant en même temps.

And that's the way I loved you !

Il y a une énergie enivrante qui nous prend dans ce moment, particulièrement quand nous chantons cette dernière phrase en nous regardant. Mais nous décidons de faire comme si de rien n'était, continuant à nous lâcher sur ce morceau. Quand nous passons le pont de Brooklyn, je me calme légèrement et je regarde l'horizon.

Je me sens légère d'être ici. J'aime la nuit, j'aime le calme qu'elle apporte et je me demande davantage où nous allons maintenant que nous nous dirigeons de l'autre côté du pont.