L'attente

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Je ne dirais pas que j'ai toujours attendu mais j'ai attendu longtemps.

J'ai attendu longtemps quelque chose ou quelqu'un qui comblerait le vide dans mon cœur, mon esprit, ma vie.

Et le truc avec cette attente, c'était qu'elle était totalement mesurée.

Je savais que je devais attendre, je savais jusqu'à quand mais je ne savais pas quoi. C'était le seul petit détail.

Mon entourage trouvait ça étrange et je crois qu'il avait raison.

Enfin je comprenais chacun de ses composants du moins.

Parce que toute ma vie était dirigée par cette attente : quand je sentais que je devais aller à un endroit, j'y allais sans réfléchir.

Certains disaient que ça me causait du tort puisque ça m'a conduit à de nombreux licenciements et même à un accident.

Mais personne ne pouvait comprendre.

Quand j'arrivais sur les lieux, je sentais mon ventre se serrer, mon cœur s'emballer et mes pensées s'impatienter.

Et quand je partais, je sentais que j'avais vécu quelque chose.

Que j'avais rater quelque chose.

Jamais je n'ai trouvé ce que je cherchais mais je ne pouvais résister à ce pressentiment, ce besoin de rejoindre je ne savais quoi.

Et j'ai continué ce manège pendant des années.

A chaque fois, je sentais ces mêmes symptômes d'excitation et à chaque fois, je sentais que je me rapprochais de mon but.

Mon but inconnu.

Mes amis s'y sont faits : j'étais quelqu'un qui pouvait partir en courant d'une terrasse sans raison.

Juste par besoin.

Mon copain l'a moins compris, on en a rompu.

Mais j'avais beau être fou amoureux de lui, je n'en avais même pas souffert.

Parce que mon corps savait que ça me rapprochait de la fin de cette attente. Que c'était une étape obligatoire pour arriver à ce que je voulais.

Et je savais qu'un jour, j'irais à un de ses lieux que mon esprit choisissait et que je verrais. Je verrais ce que je cherche.

Je le savais intiment, au plus profond de moi.

Et un jour c'est arrivé.

Un jour, j'ai voulu quitter mon travail et mon patron m'a menacé de me virer.

Mais je m'en foutais et je suis parti.

J'ai laissé mon corps me guider comme je le faisais à chaque fois et je suis arrivé devant un parc.

Je suis rentré et je l'ai vu.

Un homme.

Brun.

Recrobillé sur lui-même.

Pleurant.

Et je venais de finir d'attendre.

Le sentiment était étrange mais tellement satisfaisant.

Le truc, c'est que ce sentiment ne s'est jamais arrêté.

Le truc c'est qu'aujourd'hui, quand je le regarde, je ressens toujours ce sentiment.

Et ce sentiment c'est l'amour.

Je suis allé le voir dans le parc. Il m'a regardé et il m'a dit : "c'est toi..."

Lui aussi m'avait attendu.

On s'était mutuellement attendu.

Et chacun de notre côté, on avait tous vécu les mêmes choses.

Aujourd'hui, nous vivons ensemble.

Aujourd'hui, il est la personne la plus importante de ma vie.

Aujourd'hui, il est mon copain depuis plus de dix ans.

Et aujourd'hui je n'attends plus.

Non, je n'attends plus...

Lectures du soirWhere stories live. Discover now