Amnésie

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« Bonjour,

Êtes-vous Charlie Hall ?

Je me présente, je m'appelle Evan Lopez, j'habite à Saint-Louis dans le Missouri. Excusez-moi de vous déranger, si tel est le cas, je n'espère pas, mais j'avais besoin de vous contacter.

Je ne sais pas réellement par où commencer, à vrai dire j'ai peur que vous ne puissiez m'aider. Je triais de vieilles affaires que j'avais en ma possession, à la recherche de réponses, comme toujours. Et en fouillant, j'ai trouvé un vieux carnet, que j'ai écrit, probablement, je ne m'en rappelle pas.

Je parle de vous dans ce carnet. Enfin si vous êtes bien Charlie Hall.

J'ai fait de longues recherches pour trouver un quelconque moyen de vous contacter. Je n'ai malheureusement trouvé que votre adresse, et je m'en excuse. Il est vrai que ce n'est pas très correcte de vous envoyer une lettre ainsi, dans votre intimité. Mais j'avais réellement besoin de vous aborder.

Il y a dix ans, je me suis réveillé amnésique dans un lit d'hôpital. Je n'avais apparemment plus de famille et aucun ami. On m'a dit que j'avais eu un accident de voiture, que j'étais tombé dans un long coma de trois ans. Depuis des années, je cherche des réponses, quelques esquisses d'un passé inconnu, de mon passé. Mais personne ne semblait pouvoir me dire quoique ce soit de plus que ce que je peux lire de moi-même sur mes papiers.

Jusqu'à ce carnet que j'ai écrit.

Je parle de vous. Beaucoup. Vous semblez avoir compté pour moi. Mais je ne vous connais pas. Je ne vous connais plus. Savez-vous qui je suis, Mr. Hall ?

Je me suis peut-être trompé, après tout je me suis réveillé seul dans ce lit d'hôpital, mais j'aime à espérer que quelqu'un puisse répondre à mes questions, mes interrogations.

Vous.

Peut-être.

Je ne sais pas.

Vous trouverez ci-dessous mon numéro de téléphone, et vous avez mon adresse sur l'enveloppe. J'espère que, si vous avez des réponses, quelles qu'elles soient, vous aurez le temps et la bonté, l'immense bonté, de me contacter et de m'éclairer. Je suis si perdu depuis tant d'années.

Merci d'avance quelle que soit votre réaction à cette lettre.

Evan Lopez,
apparemment. »

Charlie écarquilla les yeux devant cette lettre. Ces mots, ces maux, qui lui étaient directement adressés. Pouvait-il seulement y croire ? Pouvait-il seulement imaginer que ce qu'il se passait était réel ?

Evan Lopez était mort, il y avait de cela treize ans. C'était ce que le médecin avait annoncé. À lui, à sa mère, à ses amis. C'était ce qui avait été dit à son incinération. C'était ce que Charlie croyait.

Alors pourquoi recevait-il cette lettre ? Pourquoi, ce qui semblait pourtant être Evan Lopez, venait-il de lui envoyer une lettre ? Cette éloquence et cette finesse d'écriture ne trompait pas Charlie.

Le jeune homme attrapa ses clefs, son portefeuille et cette lettre. Il quitta son appartement sans ménagement, oubliant ses responsabilités, et monta sur sa moto. Il partait voir Evan, à Saint-Louis.

Les heures de routes parurent courtes, et longues à la fois. Courtes parce qu'après tant d'années à se morfondre, ce n'était rien. Mais longues parce que l'impatience brûlait les entrailles du motard.

Le téléphone indiqua à Charlie où se trouvait cette fameuse adresse qu'on lui avait caché durant treize années. Il se gara non loin, puis continua la route à pied. Et enfin, il arriva devant un petit immeuble ou la porte d'entrée n'était même pas fermé.

Il pénétra à l'intérieur.

Là, il finit par arriver devant un petit appartement. Un petit appartement où le nom de E. Lopez régnait.

Il toqua.

Mais l'homme qui ouvrit n'avait rien de celui que Charlie avait connu au lycée. Cet homme qu'il voyait n'était pas un petit brun aux jours rebondies et aux yeux timides. Cet homme lui était inconnu.

Du moins presque.

Car, même entre mille, Charlie aurait reconnu ces lèvres.

Derrière ses cheveux décolorés, son air mature digne du trentenaire qu'il était devenu, sa minceur qu'il ne lui connaissait pas, Charlie ne doutait pas de l'identité de cette paire de lèvres.

- Bonjour ?

- Bonjour, je suis Charlie Hall.

Les petits yeux de Evan s'ouvrirent en grand devant lui. Devant ses mots. Le blond ne le reconnaissait pas, il ne se souvenait pas de lui. Mais Charlie savait désormais la vérité, il savait que le désormais blond était amnésique. Et il savait aussi que peu importait sa mémoire, désormais plus rien ne comptait, parce qu'ils s'étaient retrouvés. Parce qu'après treize ans de désespoir et de regrets, Charlie revoyait enfin ce visage qu'il avait tant aimé à seulement dix-huit ans.

Ce visage dont il venait immédiatement de retomber amoureux.

Ou peut-être ce visage qu'il n'avait jamais cessé d'aimer, même après tant d'années.

Lectures du soirWhere stories live. Discover now