Lectures du soir

Compliments

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Depuis quelques temps, Evy rencontrait un problème : elle n'avait plus de compliments de Lisa.

Depuis le lycée, Evy, Lisa, Sofia et Maud étaient un quatuor inséparable. Cette semaine, elles étaient d'ailleurs en vacances ensemble. Pourtant, elles étaient toutes très différents les unes des autres. Evy était plutôt du genre excentrique et joyeuse, Sofia enfantine et joueuse, et Maud très protectrice et bonne cuisinière. Quant à Lisa, elle, était surtout connue pour son visage neutre et son franc parlé.

Elle avait toujours eu l'habitude de parler quand elle jugeait cela nécessaire, sans réel tact et avec une franchise parfois déconcertante. Ainsi, elle exprimait paradoxalement très souvent des compliments, mais comme de simples petites anecdotes. « T'es bien fringuée Sofia. Sinon quel est le programme aujourd'hui ? », « Super bon le plat Maud. Bon je sors promener le chien, je te laisse. », n'étaient que deux exemples parmi tant d'autres.

Evy avait aussi le droit à ce genre de compliments. Et la rousse adorait ce genre d'attention. Ce genre de mots. Ça lui donnait confiance en elle et lui faisait plaisir. Vraiment plaisir. Encore plus que si les compliments n'avaient été de quelqu'un d'autre. Parce que oui, elle portait une attention toutes particulières aux paroles de Lisa et même à Lisa elle-même. Et cette attention on l'appelait l'amour.

La rousse était amoureuse de son ainée depuis plusieurs années désormais, mais elle avait trop peur de briser leur amitié en se confessant, alors ça restait son petit secret.

Cependant voilà, depuis quelques semaines, les compliments que Lisa lui adressait se faisaient rares et même étaient quasiment inexistants. Pourtant rien n'avait changé pour les autres filles, elles recevaient toujours des compliments.

Au début Evy s'était simplement dit que peut-être elle n'avait pas mis une tenue que son amie affectionnait depuis quelques jours, ou que cette-dernière n'avait pas pris le temps de lui dire qu'elle était mignonne ou talentueuse. Puis finalement, petit à petit, ses pensées avaient changé : « Peut-être qu'elle n'aime plus mes grosses joues et que je devrais perdre du poids. », « Sofia est plus belle que moi en même temps », « Elle s'est peut-être lassée de moi, après tout ça fait 6 ans. ».

Tout cela, jusqu'à ce qu'un réel mal-être ne le prenne. Qu'avait-elle fait de mal pour que son ainée ne fasse plus attention à elle ? Pourquoi ne recevait-elle plus le même traitement que les autres ? Que devait-elle changer pour plaire à nouveau à son amoureuse secrète ? Parce qu'être oublié de celle qu'on aimait, c'était dur.

Le plus étrange était que le reste n'avait pas changé : Lisa passait toujours des nuits à parler avec elle et elles jouaient toujours aux jeux vidéo ensemble des heures durant. Mais plus de compliments. Et vu le franc parlé de la brune, il était clair pour Evy, que c'était parce qu'elle n'en pensait plus.

Evy n'osait pas en parler à Lisa. Pour qui passerait t'elle si elle réclamait des compliments ? Et pourtant ça jouait vraiment sur son moral. Elle avait d'abord essayé de se faire belle pour la brune, constamment. Elle avait donc recommencé un énième régime, et ne mettaient plus que les tenues favorites de la brune, sans se faire plaisir personnellement. Mais ça n'avait rien changé alors petit à petit, elle avait fini par abandonner, et s'était complètement laissé aller dans sa peine. Evy était du genre hyper-sensible, alors un rien le bouleversait. Et quand c'était de Lisa dont il s'agissait, tout était décuplé.

Mais la rousse était très loin de se douter que tout ceci, Lisa le voyait. Enfin tout ceci... la brune ne voyait pas les efforts de la plus jeune pour lui plaire, mais elle voyait cette petite déprime s'installer chez elle. Même s'elle ne savait absolument pas qu'elle en était la cause. C'était pourquoi, ce soir-là, Lisa avait décidé d'agir : elle devait avoir une conversation sérieuse avec Evy. A vrai dire, le fait que Maud lui ait avoué ce matin avoir entendu la rousse pleurer dans la nuit avait eu le don de motiver la plus âgée.

Lisa partit dans la chambre de sa cadette, et toqua. Personne ne lui répondit, alors elle ouvrit la porte de son propre chef.

- Evy ? Je peux te parler ? demanda-t-elle en passant sa tête dans l'encadrement de la porte.

La plus jeune se redressa de son lit, étonnée, avant de hocher la tête. Elle n'avait apparemment pas entendu la brune frapper. Cette-dernière rentra donc dans la pièce et s'assit sur le lit.

- Dis-moi Evy, comment ça va en ce moment ?

Les yeux de la rousse s'ouvrirent.

- Je vais bien, pourquoi cette question ?

- Parce que Sofia t'a entendu pleurer cette nuit. Et parce que j'ai l'impression que ça ne va pas.

Elle baissa la tête.

- Ca va, je te promets...

- Tu ne veux pas en parler ?

- Non non, mais je t'assure, ça va vraiment. C'est vrai que je suis un peu fatigué en ce moment et que j'ai besoin de perdre du poids mais je vais bien.

Lisa fronça les sourcils.

- Tu n'as pas besoin de perdre du poids Evy.

La rousse redressa vivement la tête vers son amie.

- C'est vrai ?!

- Évidemment que c'est vrai, pourquoi t'en doutes ? Qui t'as mis une telle idée dans la tête ?

- Tu... tu me faisais plus de compliments alors je me suis dit que... peut-être... j'avais trop grossi ?

Lisa souffla.

- Evy, ça n'a rien avoir. Évidemment que tu n'as pas trop grossis ! C'est juste que... enfin j'étais un peu gêné à l'idée de te faire des compliments. Depuis la blague de Sofia.

Evy fronça les sourcils. De quoi parlait-elle ?

- Tu sais, quand elle avait dit qu'on avait l'air d'un petit couple, toutes les deux.

La rousse finit par hocher la tête en se souvenant de ce moment. Ça datait de presqu'un mois désormais, et en effet, ça concordait avec le moment où la brune avait arrêté de la complimenter.

- Je ne veux pas que tu t'imagines quoique ce soit, ajouta Lisa.

- Je ne m'imagine rien... Je sais qu'il ne se passera jamais rien...

Cette fois, ce fut au tour de la plus vieille de froncer les sourcils. Elle releva le visage de sa cadette.

- Q-Quoi ? demanda cette-dernière.

- On dirait que t'es déçue ?

- Non... Enfin c'est un fait, il ne se passera rien.

- Si tu voulais plus que de l'amitié avec moi Evy, tu me le dirais ?

- Bien sûr que non ! Ça serait trop gênant !

- Et comment je pourrais le savoir alors ?

- Pourquoi tu voudrais le savoir ?

- Parce que si ça s'avérait être le cas, je ne serais pas aussi catégorique sur le fait qu'il ne se passera jamais rien entre nous.

Evy la regarda, totalement déboussolée. Mais elle n'eut pas à se poser des questions bien longtemps car une paire de lèvres se posa sur la sienne. Ses yeux s'ouvrir en grand quand elle réalisa enfin que Lisa était en train de l'embrasser. Le baiser ne dura que quelques secondes mais ça avait suffi à chambouler tout l'esprit de la rousse. La brune sourit.

- Enfin j'imagine que tu n'espères pas plus, alors ça n'a pas beaucoup d'importance.

- T'es bête, finit par lâcher Evy en se jetant de nouveau sur les lèvres de l'aînée.

Maintenant, tout était clair. Pour Lisa comme pour Evy. Et en plus du fait que les compliments allaient pouvoir reprendre, un amour sincère et à double sens allait enfin pouvoir naître. Finalement parfois, il suffisait de parler un petit peu pour tout arranger.