Lu'

Chapitre 4

Je lui avais dit de nepas s'en mêler... Je croyais qu'elle allait me laisser faire à mafaçon mais c'était trop lui demander, il faut toujours qu'elleaille fourrer son nez dans les affaires des autres. M'enfin, aumoins, ce soir je serai fixée, je peux pas faire marche arrièremaintenant. J'aurais l'air trop débile à lui dire « nanrien » et à me barrer. Il va falloir que je me lance. Mon cœurbat à cent à l'heure, je l'entends résonner dans ma poitrine, j'ail'impression d'être piégée dans mon corps là où il y a quelquessecondes seulement je me sentais flotter. « Alors ? Tuvoulais me dire quelque chose ? »

Ouais, je voulais tedire quelque chose. Je voulais te dire que je te trouvais supercanon, que tes yeux verts vont me faire crever si tu continues à meregarder, que ton style un peu grunge te va super bien, que j'admirevraiment ta manière de t'exprimer et que c'est probablement ce quime fait le plus d'effet chez toi, que je meurs d'envie de teconnaître vraiment, au lieu de te connaître à travers des infosque je glane, en parfaite petite stalkeuse, que c'est peut être tôtpour sortir ensemble, et que tu ne m'as probablement jamais remarquéeavant, mais que je m'en fous, que je saurai attendre si tu veuxattendre, que je saurais devenir ton amie si c'est ce que tusouhaites, mais que j'ai qu'une trouille, c'est que tous mes rêvessoient détruits d'un coup. Voilà ce que je voulais te dire. Saufque je l'ai pas dit. Àla place, j'ai encore eu une réaction de lâche.

« Jepeux pas te le dire maintenant désolée.

-Bah,pourquoi ?

-Parceque t'es sobre que ce que je vais dire n'aura probablement aucunsens, que tu vas t'en souvenir demain et que je pourrai plus jamaist'approcher. »

Elleéclate de rire. J'ai dit quoi encore comme connerie ?

« Attends...Depuis tout à l'heure t'attends que je me bourre la gueule pourpouvoir me dire que tu me trouves canon sans que je m'en souvienne ?

-Ben...Ça sonne un peu contre productif comme ça, mais au moins, si je mefoire, c'est pas grave. »

Ellerit de plus belle. Putain même son rire il est sexy. Je rougis àmort, je le sens, mais bon, ridicule pour ridicule...

« Tusais que tu pourrais attendre longtemps ? J'ai un rendez-vousdemain, alors la gueule de bois ça me tente moyen. Mais vas-y, dismoi comment je suis belle, flatte mon ego, dis moi que t'as envie demoi, j'ai rien contre un plan cul... »

Quoi ?Mais... Ok c'est à moi de rire un peu. J'ai l'impression qu'ellecomprend pas pourquoi, mais tant pis, c'est mon tour de rire. « Nan,le sexe, 'fin, c'est pas ça que je veux. 'Fin, si t'en as vraimentenvie, je veux bien, mais... Je sais pas, c'est juste que çam'intéresse pas.

-Oh,c'est dommage, ce serait presque du gâchis... » Elle dit çaen posant sa main sur mon ventre, me plaquant contre le mur. Jel'enlève aussitôt et me dégage de là. « Désolée, si t'asjuste envie de baiser, je suis sûre qu'Abigail serait ok, mais...

-MaisAbigail c'est pas toi.

-Oui,voilà. Et moi, là, je veux pas.

-Maispourtant t'avais dit que tu voulais bien si c'était vraiment ce queje voulais...

-Ouimais... Je sais pas... Là tout de suite, c'est non. Je suisdésolée. »

J'enai les larmes aux yeux. Ça a failli se dérouler bien... Et voilà,ça y est, je re-pleure. Et à grosses larmes. Putain j'aurais pas dûboire, j'aurais dû rester sobre, je me serais barrée en courant ettout se serait bien passé. « J'suis vraiment nulle, je faistout foirer. J'ai la chance de me rapprocher de toi et je le faismême pas ? Ça va faire un an que je t'ai vraiment remarquée,que tu m'attires à mort, que je m'en rends malade, que je me sensmal, mais que je peux plus décrocher mes yeux de toi, que je rêvede pouvoir te tenir dans mes bras, j'en peux plus, je voulais justeque cette soirée se passe bien, avoir l'occasion de te parler, maisje veux pas de sexe, je veux pas être un lot de consolation, justequelqu'un qu'on prend et qu'on oublie, j'suis pas intéressée partout ça, pourtant je te trouve vraiment super canon, et t'as uncorps de rêve, mais je sais pas, je dois vraiment avoir un problèmepour refuser ça hein ? » Ok ça peut avoir l'air mignoncomme ça, mais ajoutez la voix de canard due aux pleurs, les grosreniflements, le bégaiement, la morve, et les larmes, et déjàc'est pas pareil. Au fond, on s'en fout, j'ai refusé son offre,alors ça change rien, je l'ai probablement dégoûtée dès que j'aidit non de toute manière. Mais quand même. Elle me fait toujours del'effet, peu importe ce qu'elle a pu dire ou faire, et me retrouveraussi minable devant elle, ça me rend encore plus minable. Je suisla reine des idiotes.