II

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 Le murmure du vent caressait le visage de la demoiselle endormie, et le tendre soleil de cette fin d'après-midi dardait ses rayons lumineux sur son visage pâle. La femme qui était assise à ses côtés lui tenait obsessivement la main, comme pour l'empêcher de sombrer dans un sommeil éternel, le teint blafard et les yeux cernés Elle dormait elle aussi, mais ses traits n'étaient pas détendus. Une petite fille entra brusquement dans la pièce, brisant l'harmonie de l'instant paisible que partageait la mère et la fille assoupies. 

" Maman, papa t'appelle dehors! Annonça la blondinette en s'approchant du lit blanc dans lequel était installée sa sœur aînée. 

La femme blonde sourit à l'attention de la nouvelle venue et se redressa en époussetant son pantalon noir. Depuis qu'elle avait retrouvé sa première née dans un état aussi déplorable, Ingrid ne parvenait pas à trouver le repos. Ses nuits étaient troublées par des songes terrifiants dans lesquels son enfant chérie disparaissait encore et encore. Elle n'osait imaginer ce qu'avait vécu la blondinette, anxieuse à l'idée d'un enlèvement et de séquelles irréparables. Elle détestait l'idée de la voir ainsi enfermée dans cet hôpital, mais le coma dans lequel elle était plongée n'avait pas l'air de vouloir s'achever de sitôt. Elle déposa un tendre baiser sur le front de la jeune fille et la confia à l'enfant qui caressait son interminable chevelure vénitienne, avant de sortir rejoindre son mari.

Zinaïda ne cessait de passer ses doigts sur les cheveux dorés aux reflets de miel par endroit de sa grande sœur adorée. Elle lui manquait terriblement à elle aussi, mais le fait de la voir paisiblement endormie apaisait ses craintes, et lui donnait du courage. La petite fille chuchota doucement:

" Tu sais Nat', il s'est passé plein de trucs à l'école aujourd'hui ! Carlos m'a donné son goûté... Ne le répète à personne surtout, hein...Je sais que sinon, Alexei va me taquiner avec ça pendant au moins dix ans..."

Un semblant de sourire se dessina sur les lèvres rêches de Natacha, si fugace que Zinaïda crut avoir rêvé. Mais un battement de paupières aussi délicat qu'un coup d'aile de papillon alerta la petite fille dont le cœur se mit à battre plus fort. Un gémissement lourd sortit de la gorge sèche de la demoiselle, il était grave, presque guttural. Pas étonnant après un si long sommeil. Tandis que la petite fille commençait à courir partout sans savoir quoi faire, la blondinette tenta de se redresser sur son lit pour s'asseoir, mais fut prise d'un violent vertige qui lui valut une descente assez directe sur l'oreiller. Elle mit du temps à accommoder ses yeux à la lumière du jour, et ses oreilles aux paroles incessantes qui sortaient en un flot impétueux de la bouche de sa petite sœur. 

" Tu es...Je vais aller chercher papa ! Je reviens ! Ne te rendors plus hein !"

Natacha la vit s'élancer comme une furie en direction de la porte, qu'elle faillit s'empaller en pleine figure par ailleurs. Son cerveau se remit lentement en route, et elle entreprit d'analyser la pièce pour savoir où elle se trouvait exactement. La fenêtre était ouverte, laissant entrer une brise légère et agréable. Les murs étaient blancs, très simples et très épurés. Au fond de la chambre se trouvait une petite salle de bain, qu'elle entraperçut dans l'entrebâillement de la porte. Elle devina sans peine qu'elle se trouvait dans un hôpital, où du moins, une maison de repos. Elle constata qu'elle n'était pas paniquée du tout, peut-être grâce à la présence familière d'un être cher à son réveil, mais les souvenirs mirent du temps à refaire surface dans son esprit qui avait été déconnecté du monde pendant un laps de temps dont elle ignorait la durée.

La question était de savoir comment était-elle arrivée là, et surtout pour quelles raisons. Mais elle n'eut pas le temps de clarifier ses pensées que plusieurs personnes déboulèrent dans la salle, visiblement pressées d'arriver à son chevet. Elle distingua des blouses blanches et le mot "infirmière" sonna dans sa tête, puis elle reconnut le visage de ses parents et de ses deux petits frère et sœur. Son cœur déborda d'une joie soudaine de les revoir, bien que la raison d'un tel élan d'affection lui échappait encore. Alors que les assistantes s'affairaient à prendre son pouls et à s'occuper d'elle, médicalement parlant, ses parents la regardaient avec un soulagement palpable. Elle détailla leurs traits et se surprit à penser qu'ils avaient vieillis. Les cernes qui se creusaient sous les yeux de sa mère la rendaient différente, et elle remarqua aussi un amaigrissement certain. Son père arborait une barbe peu entretenue qui ne lui était pas familière, et les deux jumeaux avaient gagné en taille. Depuis combien de temps était-elle partie? Et où avait-elle été durant tout ce temps? 

Le Temps Des Sortilèges - Tome 2 - Le ChoixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant