Épilogue-Les mémoires vides

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Que reste-t-il de toutes ces années de néant ?
Me voilà au crépuscule de ma jeunesse, et contempler les souvenirs me heurte comme le ressac. 
Mémoires, miroir de limbes nauséeuses ; il ne reste rien. Face au miroir, je me vois déchoir. Etranger au miroir, étranger à moi même, étranger au monde. Mais surtout étranger sans visage, sans altérité, sans "moi", être dans la moyenne, existence inauthentique. 

Mais me voilà désormais loin de l'ivresse des chimères doucereuses, loin de la mélancolie amère, loin de l'angoisse acide qui creuse ma peau.
J'ai bu les poisons et les rêves vides et mon corps subsiste toujours. Les tremblements s'éloignent et reviennent comme une chanson lancinante. Je vis avec mes fantômes et mes cicatrices.
Le poison est toujours présent. Tout me manque: cette insouciance, cette inconscience,  tout cette opulence de l'existence. Mais les absences, les silences, la violence, les offenses, la méfiance dans mon adolescence m'ont donné cette indigence résonnante. Jouissances évanescentes ont bercé ces années inconsistantes, avant aujourd'hui. 

Renaissance. 

Désormais les étoiles sont avec moi: j'ai constellé mes rêves et dès que la nuit tombe je regarde la voûte céleste à la recherche de mes hautes lumières. Les météores me sourient et ne transforment plus mon jardin en terre de flammes. Les fleurs ne brûlent plus et s'épanouissent à la lueur des astres.
Désormais je vis sans haine: autrui je ne te fuis pas, je t'accueille et je t'embrasse, j'épouse ton altérité et je danse avec elle. "Autrui pièce maîtresse de mon univers..." J'ai fui l'illusion de mon  solipsisme à la quête de ces visages que j'ai dévisagé, à la quête d'autrui que j'ai rencontré. Mon frère, ma sœur, j'ai entendu ton appel. 
Désormais je vis sans peur: non, je n'aurais plus peur du blizzard, ni de l'hiver. J'ai trouvé mon été dans les froides ruelles de la ville et dans les tempétueuses fortunes. L'araignée a fui mon crâne fissuré et sa toile se brise sous la rosée de l'aube de mon éternel été. 
Je m'ouvre à toi, ivresse des jours heureux. Rends moi saoul de l'Univers et fais en sorte que je ne me réveille plus. 

Aujourd'hui le ciel est gris, la ville est triste, nauséabonde et les vivants se meurent, s'aiment et se défont.

Aujourd'hui, j'existe. 


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⏰ Dernière mise à jour : Mar 30, 2019 ⏰

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