MMS

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Défi numéro 9 de @Reidrev sur le thème : vous.



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Qu'est-ce qu'elle me veut, celle-là ?

Elle est entré dans ma chambre en bavassant je ne sais pas quoi, je n'ai rien compris, je lui ai dit de parler plus fort, c'était un peu mieux, mais toujours pas ça, alors j'ai fini par juste faire oui de la tête en attendant qu'elle en ait marre et qu'elle s'en aille.

Elle me parle de la maison. Comment c'était à la maison. Qu'est-ce qu'elle en sait, de ma maison ? Elle est toujours impeccable, ma maison ! Pour qui elle me prend, celle-là ? Quand ma mère l'entendra, elle va comprendre. Non, je ne sais pas pourquoi je suis ici. Ici, c'est un genre d'hôpital, je le vois bien, je ne suis pas stupide ! Je vois bien qu'elle a une blouse blanche ! Je lui explique que je suis malade. Je ne me sens pas malade, mais je ne sais plus pourquoi je suis ici, et ça m'inquiète. Je lui dis que je ne suis pas folle. Elle hoche la tête et note dans son petit carnet. Menteuse. Sournoise et hypocrite. Elle essaye de me coincer ici. Elle veut me piéger. M'empêcher de rentrer chez moi.

Elle me parle de mes enfants. Le piège. Je ne peux pas avoir d'enfants, je vais encore à l'école ! Je ne me suis pas fait avoir. Elle fait une drôle de tête et note. Elle me demande la date. Je connais ma date de naissance, merci bien ! Elle insiste. Je ne comprends pas. Qu'elle parle plus fort, bon sang ! La date d'aujourd'hui, c'est ça qu'elle veut. La garce. Encore un piège.

On est...

Je regarde autour de moi, je scrute la pièce, la pendule, les papiers sur la table, il doit bien y avoir la date quelque part !

Par la fenêtre, un rayon de lumière. J'explique qu'on est en été. Elle me demande l'année.

On est...

Je commence par dix neuf cent, histoire de gagner du temps, qu'est-ce qui vient après, il y avait plein de dates, c'est elle qui me met dans tous mes états, si j'étais au calme, si j'étais chez moi, je la saurais, cette foutue date !

Dix neuf cent quatre vingt six, je conclus. Ҫa sonnait plutôt juste dans ma tête.

Et ça continue et ça ne s'arrête jamais. La saison. Le printemps. Le mois. Novembre. Le jour du mois. Vers la fin du mois, ou presque, dans ces environs-là. Le jour de la semaine. Dimanche.

Je la hais.

Elle me force à fouiller le brouillard. Moi, je suis sûre que je sais. Mais pas là, maintenant, quand on me pose des questions. Je sais parce qu'il n'y a pas de raison que je ne sache pas. Je sais parce que j'ai toujours su. Donc je sais encore. Je ne suis pas folle, enfin !

Et des questions et des questions...

Des trucs à la con, oui. Du n'importe quoi. Des mots, des chiffres, à l'endroit, à l'envers... Qu'est-ce qu'elle fait chier, celle-là ! En plus je ne comprends quasiment rien. Faut parler plus fort, j'ai dit, c'est quand même pas compliqué !

Elle sourit et elle me serre la main. Elle me dit que c'est fini, qu'elle me laisse tranquille. Je lui demande à quoi ça sert tout ce bazar. Elle me parle de ma mémoire. Mais elle va très bien, ma mémoire ! Elle me parle du docteur. Elle me parle de plein de choses. Je n'y comprends rien. Je n'ai même pas envie de comprendre. Si j'avais envie de comprendre, je comprendrais. C'est juste que là, maintenant, c'est dans le brouillard. Je n'ai pas envie d'aller le chercher. Mais si je voulais, je pourrais. Ce n'est pas perdu. Rien n'est perdu. Je ne suis pas folle.

Elle s'en va. Bon débarras.

Idées folles et autres faribolesWhere stories live. Discover now