Chaos

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Des explosions tout autour. Irrégulières. Parfois en cascade. Parfois en chœur. Toujours terrifiantes.

Elle ne pouvait plus bouger.

Techniquement, elle pouvait bouger - elle avait deux jambes en parfait état de marche la dernière fois qu'elle avait vérifié, et quoi qu'en dise son cerveau, les jambes ne disparaissent pas mystérieusement juste parce qu'on est terrifié. Mais bouger, pire encore, avancer, ça voulait dire accepter d'être là, entrer dans la réalité, alors que non. Non non non non. Hors de question. En se figeant suffisamment longtemps, elle pouvait disparaitre, le danger allait passer à côté d'elle en l'ignorant. Son cerveau reptilien en était sûr.

D'autres explosions, plus proches. Des cris. L'odeur âcre et tenace des bombes, accompagnée par l'horrible fumée noire du plastique qui brûle. Tout ça n'avait pas sa place dans son esprit et devait être ignoré.

Un soldat passa en courant, arme à la main. En la voyant, il lui fit signe de le suivre. D'autres civils étaient derrière lui, quatre, ou cinq. L'un d'eux avait un gros souci à la jambe, il sautillait en s'appuyant sur les épaules de deux autres personnes, il ne pouvait pas utiliser sa deuxième jambe, sa deuxième jambe n'allait pas bien, ou alors très bien, vu qu'elle était partie sans lui. La jambe avait disparu et l'homme était en sang, mais debout.

Tout cela n'avait absolument aucun sens.

Des cris, beaucoup, le soldat insistait, ses gestes étaient frénétiques, mais il était évident pour elle qu'elle devait continuer de l'ignorer, si elle admettait qu'elle l'avait vu, elle devrait admettre tout le reste et ce n'était pas possible, tout simplement pas possible du tout.

Puis quelqu'un traversa la rue, une jeune fille du groupe de civils, celle qui ne soutenait pas l'homme, elle traversa en courant, lui attrapa la main, et la tira.

Alors tout son corps se débloqua et elle se mit à courir à son tour, entrant dans l'image contre son gré, quittant son camouflage de statue pour sauver sa vie. Ce n'était pas possible, rien de tout ça n'était possible, il n'y avait rien dans cette réalité qui n'aurait pas dû être effacé, et pourtant elle courut, comme eux tous.

Idées folles et autres faribolesWhere stories live. Discover now