Des bonbons, un sort et la trouille de sa vie

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«Lundi 31 octobre»

COUCHÉE SUR LA BANQUETTE arrière – sa tête roulant sur les genoux de Mathis – Alexis fredonnait « sweet dreams » de Eurythmics. Son crâne dodelinait en rythme et ses Docs Martens martelait la vitre sale, arrachant à la vieille peugeot quelques gémissements plaintifs. La vieille radio achetée par Ariel reposait sur le tableau de bord et crachait péniblement la chanson entonnée par la blonde un instant plus tôt.

Sweet dreams are made of this

Who am I to disagree ?

I travel the world

And the seven seas

Everybody's looking for something

Ils étaient garés non loin du fameux Cerbère. Camille avait acheté du jus de papaye à Ariel, Alexis un peu de vin afin d'« abreuver » le jerrican (« non, vous ne comprenez pas, il est maudit ce jerrican, si il est vide trop longtemps, il se transforme en Jason Voorhees ! ») et Mathis s'était offert un vieux livre de poésie aux pages cornées, rêches et jaunies par les années. Il le feuilletait paisiblement et humectait régulièrement son index, son visage barré d'un sourire enjoué. Lorsqu'il tombait sur un passage exaltant, le métissé fermait les yeux, basculait la tête en arrière et le murmurait plusieurs fois « pour le retenir et paraître romantique, un jour ».

Some of them want to use you

Some of them want to get used by you

Some of them want to abuse you

Some of them want to be abused

Les vacances se terminaient dans quelques jours et Camille ne cessait de geindre, pestant et grommelant du matin au soir, rabâchant à qui voulait l'entendre qu'il « préférerait se rouler dans du ciment frais plutôt que de redoubler une nouvelle fois sa terminale ». Ses doigts tapotaient négligemment le couvre volant léopard et il fumait une énième cigarette. La fumée vaporeuse et pestilentielle ondulait le long de ses lèvres entrouvertes. Ses prunelles vertes charmaient le soleil, un brin timide en cet halloween nuageux. Les rayons embrasaient sa peau et soulignaient élégamment la voie lactée brune qui constellait ses pommettes anguleuses.

— Tu as le sac, Mathis ? interrogea Camille en soufflant un tourbillon anthracite et l'intéressé acquiesça distraitement – son livre de poésie rapiécé happant littéralement son attention. Très bien, Mermaid. Saint-Charles, c'est dégueulasse, les grillons sont bruyants, spiderpion est un imbécile méprisable, un dealer gère un magasin nommé Cerbère, le jerrican est maudit, notre vélux est mort et la forêt est carrément flippante.

— Charmant, railla Ariel en levant les yeux au ciel. 

Camille écrasa son mégot sur la portière en souriant. Ce sourire énorme, imperturbable.

— Heureusement, la remise est là et il y a la tradition d'Halloween. Les trois quart des élèves sont chez eux alors le dirlo est plus cool. Ah, et spiderpion nous surveille. Il est irritable et pas franchement patient, en ce moment.

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