[BONUS] : Sauron, Adam Rousseau et vacances à la mer

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— Pitié, Juan, tu n'as quand même pas cassé le château de sable de ce gamin ? se lamenta Ariel Muller, un short de bain blanc et cocktail à motifs – à savoir des queues de sirènes – glissant sur ses hanches ruisselantes. T'es irrécupérable, tu le sais ça ?

Un très grand sourire – d'une innocence magistralement feinte – ornant son visage joliment cuivré par le soleil incandescent, Juan haussa les épaules, nonchalant.

— Il ne m'a pas cru quand je lui ai dit que le père Noël n'existait pas, que Trump, Poutine et Lepen formaient la Trinité du diable et que Sauron battait très largement Palpatine, rétorqua t-il, et sa réponse ne fit qu'accentuer le dépitement d'Ariel. Cette offense méritait une sentence.

Alexis hocha longuement la tête, approuvant ainsi le comportement affligeant de Juan, qui, profondément satisfait quant à ce revers de situation, tira la langue à Ariel, lui arrachant un soupir consterné. Voûtée sur son téléphone portable, étalée sur une serviette étriquée à l'aspect rugeux, Alexis n'avait pas beaucoup changé, plus d'un an après le décès de Mathis, son meilleur ami : une silhouette élancée, une tignasse d'un blond très pâle, un regard amusé, un parfum fruité et un sourire goguenard parcourant la courbe de ses lèvres églantines, elle était d'une fraîcheur exaltante, malgré la mélancolie poignante engloutissant ses yeux clairs.

— Juan, lâcha tout simplement Camille, et son ton réprobateur, naturellement autoritaire, ne manqua pas d'extraire au concerné une grimace ennuyée. Ah, non, t'as raison : Sauron bat palpatine.

Ariel jeta à son petit ami une oeillade atterrée.

— À ce rythme là, on va tous mourir pendant ces vacances à la mer, vous le savez ça ? marmonna t-il.

— Je ne me suis battu qu'une seule fois, objecta Juan.

— Avec un policier, souligna Alexis, et le garçon se renfrogna subitement.

Camille avait changé, physiquement : il avait grandi, dépassant désormais Ariel d'une demie tête, une ombre de barbe voilant constamment ses pommettes constellées d'éphélides roussâtres, ses joues s'étaient creusées – abandonnant leurs rondeurs d'enfance – et un tatouage marquait la peau de son avant-bras, à savoir le symbole d'une des planètes du système solaire ; ses prunelles très vertes, d'un émeraude enchanté, narguait le soleil ardent tandis qu'il observait Ariel. Il apparaissait toujours aussi énigmatique aux yeux de Camille : tantôt impulsif, tantôt serein ; tantôt sage, tantôt insolent, un paradoxe à lui tout seul. Le vent s'amusait à fouetter sa chevelure brune, plus longue qu'autrefois, et les rayons solaires lui donnaient un aspect semblable au cuivre. Son regard intense n'avait jamais cessé d'usurper la couleur des océans, énigmatique. Camille déposa sur les lèvres d'Ariel un baiser furtif, afin qu'il cesse de s'inquiéter bêtement : quoique, il n'avait pas tout à fait tort. Juan était une catastrophe ambulante, trop franche, grande gueule et impolie ; Alexis se fichait de tout, hormis d'Alexis, et Camille était d'un laxisme déconcertant, lui qui pourtant vouait à la grossièreté une haine étonnante.

— Juan, pourquoi il y a un pénis dessiné sur ta bouteille d'oxygène ? demanda Alexis de son éternel ton ennuyé.

Le jeune homme eut un soupir particulièrement long, irrité.

— J'ai fait l'erreur de m'endormir au mauvais endroit, déclara t-il, et son apparente moue jubilatoire ne présageait rien de bon : mais le problème est réglé, je me suis vengé, j'ai la conscience tranquille.

Perplexe, Alexis s'étonna tranquillement :

— Tu as la conscience tranquille après t'être vengé, toi ?

Juan ne daigna pas lui offrir plus qu'un sourire maléfique, et la blonde ricana férocement. Soudain, un homme au bronzage artificielle particulièrement moche apparut en vociférant, cramoisi et enragé. Juan gloussa et Ariel rassembla prestement ses affaires : crème solaire, épluchures de clémentine ensablées, serviette de bain humide, soda tiède et pétillant, bières fraîches et chaussures d'été.

PerhapsOn viuen les histories. Descobreix ara