Un camélia, Spiderpion et un baiser

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«Mercredi 15 février»

— Je l'entends ! 

ARIEL SOUPIRA EXAGÉRÉMENT fort ; il massait son avant-bras zébré par les ronces, sillons ensanglantés aux entrelacs écarlates embrasant douloureusement son épiderme enflammé. Devant lui, Camille brandissait un bâton ramassé un peu plus tôt, ses gestes anarchiques piétinant férocement les orties et arrachant aux oiseaux des piaillements indignés. Le soleil filtrait à travers les pins titanesques, un frisson glacé galopait, frôlant la cime des arbres et fouettant le visage des adolescents, brise aigre et esseulée.

— LÀ, hurla Camille en se figeant brutalement, fébrile.

Réprimant un grommellement colérique, résigné, Ariel tendit l'oreille, les mains dans les poches. Non loin de là, un ruisseau sanglotait en un gargouillis apaisant. Enfin ! Immédiatement, Camille bifurqua à droite et dévala une courte pente, écrasant un tapis de feuilles croustillantes, sa chevelure dorée et échevelée semblable à un feu de broussailles. Une main s'égarant sur sa nuque en un mouvement ébahi, les yeux exorbités, Camille agrippa la manche du brun et le propulsa en avant, lui arrachant un glapissement outré.

— Ici, Mermaid ! Je veux fumer ici. Je t'ai trouvé, ruisseau de pacotille ! 

En pleine forêt, quelques épines verdoyantes soufflées sur sa surface érodé, une dalle de béton, le ruisseau s'écoulant tel un serpentin argenté à ses pieds. Une friche humide, quelques roseaux solitaires et un sapin jeunot complétaient ce paysage étonnamment paisible. Ariel contourna Camille et un hoquet étonné le secoua. Un Camélia panaché surplombait l'immonde dalle grisâtre, gigantesque et élégant, il offrait aux adolescents ses fleurs bariolées aux pétales imbriquées, resplendissant.

— C'est vraiment joli, cet endroit, admit Camille en se laissant choir sur le bloc bétonné.

Il observa la surface sur laquelle il était assis et esquissa une grimace contrite, tâtant ses poches à la recherche de ses cigarettes.

— Bon, sauf ce truc. Qu'est-ce que ça fiche là, d'ailleurs ? Ça n'a aucun sens, Mermaid.

Saint-Chaaarles ! Répliqua Ariel en imitant Mathis, et il se laissa tomber à ses côtés en soupirant, soulagé.

Camille coinça deux cigarettes entre ses lèvres, son pouce grattant la roulette métallique de son briquet Hello Kitty. Une flamme jaillit, chaude et orangée, un halo rougeoyant drapant son visage où se dessinait un sourire gargantuesque. L'adolescent lança à Ariel une cigarette puis se coucha sur le dos, les yeux clos, un nuage nauséabond errant sur ses lèvres entrouvertes. Le soleil baignait son visage serein, un nimbe lumineux cerclait ses cheveux blonds et lui admonestait un air doux et innocent. Un voile rouillé pigmentait ses pommettes, son nez et soulignait ses prunelles vertes — un éclaboussement mielleux, semblable à de la peinture sèche.

— Vous ne m'avez jamais raconté pourquoi vous surnommez Alexis La commotionnée, lança Ariel en s'étalant sur la dalle gelée.

— C'est vrai ! Avoua Camille en riant doucement. C'était l'année dernière, après la tradition d'Halloween. Spiderpion a débarqué - comme cette année - pour nous ordonner de rentrer.

Il exhala une longue bouffée grisâtre en souriant :

— Nous, on a filé au gymnase. En se basant sur notre premier Halloween à Saint-Charles, on avait une bonne demi-heure devant nous avant que Spiderpion ne débarque dans notre chambre. Mathis a attrapé un ballon de basket et on a commencé à faire les idiots. Il a voulu me le lancer mais Alexis a bondi en avant, elle voulait l'intercepter, raconta t-il en réprimant un rire moqueur. Elle a raté son coup et le ballon a violemment rebondi contre son crâne, elle s'est écroulée en gémissant.

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