Sapphire Immortality

II- Les démons du passé

- Lucy ? s'égosille ma mère au loin en hurlant mon prénom à tout va attendant surement une réponse de ma part.

    Je manque de perdre le contrôle de ma magie sous le coup de la surprise. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Elle ne peut pas découvrir la vérité. Pas comme ça et encore moins maintenant. Je sais ce qu'elle me ferait subir pour ça, pour ce que je suis. Une sorcière. Un démon. Un monstre. Elle m'a élevé dans la haine de la sorcellerie. Sa mère a beau être l'une des sorcières les plus connues elle me rejetterait sans vergogne et ferait de moi une orpheline comme celles qui pullulent près de la cours de Versailles. On a changé de nom, effacé nos traces pour que jamais on ne nous associe à ce triste personnage qu'est devenu ma grand-mère.

    Je sais ce que vous pensez, Jeanne D'Arc appartient à une toute autre époque, elle a été brûlée il y a des décennies. Mais c'est faux. L'histoire ne raconte que ce qu'on lui a soufflé. Ma grand-mère est toujours vivante et bien que cela défie les lois de la vie et de la mort elle est encore en parfaite santé. Ne me demandez pas pourquoi impossible de faire parler Nana quand elle l'a décidé.

- Mon petit colibri, m'alerte Nana inquiète pour moi. Dépêche-toi de rentrer.

    J'opine du chef. Et l'eau retombe dans la fontaine comme si elle ne l'avait jamais quitté. Mes bulles éclatent les unes après les autres. J'essuie rapidement mes mains sur le tissu grenade de ma robe et embrasse ma grand-mère sur la joue avant de m'engouffrer hors de notre repère.

- Sois prudente surtout, souffle mon aïeule alors que je m'éloigne mais je perçois son trouble.

- Tout ira bien, lui assurais-je persuadée que le mal ne viendra pas me cueillir.

    J'accélère la cadence mais sans courir. Bientôt j'ai rejoint le grand hall d'entrée recouvert de tableau contant des épopées incroyables. D'autres représentent mes ancêtres, ceux du côté de mon père de ce que l'on m'a raconté. Tous des inconnus qui me scrutent de leurs prunelles sournoises. Le majordome se précipite à ma rencontre, visiblement il m'attendait de pieds fermes et s'empresse de faire connaître ma présence à ma mère.

    Ma génitrice entre par une petite porte dérobée d'une démarche qui impose le respect. C'est ce genre de personne qui fait cesser les chuchotements rien que par sa présence. Elle dégage une sorte d'assurance froide et calculatrice qui renforce sa beauté glaciale. J'ai hérité de sa blondeur et de son port altier. De son air arrogant. Me mère est une femme qui tient les reines dans l'ombre, aucun homme ne saura jamais la soumettre elle leur en donne seulement l'illusion. Quand ils pensent avoir gagné en réalité c'est elle qui les asservi.

- Te voilà enfin, me réprimande ma mère avec vivacité en m'accablant de reproches. Où es-tu encore allée traîner ? Et dans quel état est cette robe ?

    Enervée après moi elle me tourne autour comme un insecte agaçant me jaugeant et évaluant les dégâts. Elle soulève l'un de mes bras, me fait tourner, ajuste mon corset en le resserrant à m'en étouffer et détache ma natte pour ramener mes cheveux en un chignon stricte qui me compresse le cerveau. Une fois cet examen terminé, elle ne pipe mot et m'ordonne d'un mouvement de tête de lui emboiter le pas. Elle est pressée, tendue et à cran. Je me demande si cela est dû au jeune homme que j'ai rencontré plus tôt.

    Le dos droit et l'œil brillant elle s'arrête face à son cabinet. Elle toque trois coups avant d'ouvrir la porte et de s'engouffrer dans la pièce. Je la suis curieuse de connaître la raison de son agitation. Je mets quelques instants à m'habituer à la pénombre ambiante. Mais sitôt ma vue rétablie je peux distinguer une silhouette assise sur l'un des canapés. Des tasses de thé traînent sur la table basse autour du petit coin détente de ma mère. De la paperasse git ici et là sur un immense bureau de chêne clair. Des étagères sont encombrées de dossiers. Il règle un désordre certain dans le cabinet. Ce n'est pas normal. Ma mère est méticuleuse. D'ordinaire chaque objet est à sa place. Mais là on dirait qu'une tornade a tout retourné.