1. Désolation

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Il était là. Sous cet arbre. Le jardin était fraichement mouillé par l'humidité du soir ; un livre de Baudelaire était posé sur une petite table en bois, à côté du rocking-chair. Le séduisant jeune homme paraissait assoupi, ses longs et soyeux cheveux brun-doré retombant gracieusement sur ses épaules carrées. Sa barbe parfaitement taillée embellissait sa mâchoire carrée, le fantôme d'un sourire flottait sur sa bouche. Une alliance d'or entourait élégamment son majeur ; cet homme, à l'allure riche, portait également d'autres bagues d'argent. Ces couleurs métalliques s'accordaient à la perfection avec son élégant polo vert olive et son pantalon à pinces. Il portait de grandes lunettes à verres fumés. Son élégant feutre anglais, tombé par terre, était orné d'un beau galon, tressé de liens rouge argile, vert jade et bleu céruléen.

Un bruit de pas survint. Puis un joyeux cri d'enfant. Et enfin un aboiement. Une adorable fillette surgit alors de la porte et courut autour du jardin, poursuivi par un énorme Saint-Bernard. Cette « course-poursuite », nullement dangereuse, ne dérangea pas l'homme dans son repos. La fillette contourna un arbre, puis s'arrêta, essoufflée : ses cheveux blonds, coupés au carré, voletaient dans tous les sens et ses yeux verts pétillaient de malices. Elle fit signe au chien de s'assoir et entreprit une périlleuse escalade vers la joue de son père. La petite fille y fit claquer un baiser et, avec toujours cette malice dans le regard, taquina son père en lui ôtant ses lunettes de marque.

Un hurlement, sans aucune nuance enfantine, surgit de la bouche de l'enfant, qui tomba à la renverse. Ni une ni deux, elle courut vers la grande maison, d'énormes larmes ruisselant sur ses joues rebondies.

Car même de belles lunettes et un polo hors de prix ne pouvait cacher des orbites vides, ni un énorme trou ensanglanté dans le cou de l'homme.


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