|Chapitre 10|

2.6K 254 407
                                    

Assise sur un banc de Central Park aux côtés de Matthew, j'observe des enfants se courir après gaiement et laisse mon esprit vagabonder à mes souvenirs d'enfance.

— Maddie ?

— Hmm ?

— À quoi est-ce que tu penses ?

Je tourne la tête vers mon... petit-ami ? J'ai encore du mal à l'appeler comme ça, ou même à le considérer comme tel. Ça fait quelques semaines que nous sortons ensemble, mais je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée. Comme si elle ne voulait tout simplement pas se frayer un chemin jusqu'à mon esprit.

Je lui désigne les deux enfants un peu plus loin devant nous.

— J'étais en train de me dire que je retournerais volontiers à leur âge.

— Vraiment ?

Je hoche la tête en signe d'acquiescement.

— Pourquoi ?

— Pour tout. La liberté, la joie, l'extravagance. Le fait de ne jamais me sentir seule et de savoir que quoiqu'il arrive, mon père serait toujours là pour me sortir d'affaire ou m'empêcher de tomber de mon vélo. Le temps où les soucis du quotidien ne m'atteignaient pas. Tout allait pour le mieux à l'époque. Tout était si facile.

J'aurais pu divaguer de la sorte encore longtemps, mais c'est Matt, et mes problèmes ne le concernent pas. Mais ne devrais-je pas au contraire avoir envie de tout partager avec lui ? Puisqu'il s'intéresse à moi, ce qui me concerne est censé le concerner également. Mais je suis de celles qui pensent que même dans un couple, chacun peut et doit avoir ses propres petits secrets. Quant aux miens..., je ne les qualifierais pas vraiment de « secrets ». Plutôt de peurs, de complexes, de remords et de regrets. Les souvenirs me hantent et me happent dans une situation inconfortable. Celle où l'angoisse est plus forte que tout, la confiance en soi réduite à néant.

« Il y a des évènements qui vous bousculent si fort, au point de ne jamais vraiment vous remettre sur pieds. Alors la stabilité passée s'évanouie, laissant place à cette constante et inconfortable sensation de déséquilibre »

Et cet évènement m'a secouée, bien plus qu'on ne peut le croire. J'ai échoué à cette audition, j'aurais pu retenter ma chance, seulement, je n'étais pas assez forte pour me relever d'une telle épreuve à l'époque. Et aujourd'hui encore, j'en éprouve les séquelles, car il est difficile de se reconstruire après une telle déception. Même quand on a tourné la page.

Matthew me fixe intensément et je baisse le regard. Je déteste me sentir observée.

— Tu es bien mélancolique aujourd'hui, constate-t-il, quelque chose ne va pas ?

— Rien de plus que d'habitude.

Mon ton est laconique. Je me sens vide, voilà ce qui ne va pas. Mes sautes d'humeurs ont toujours autant l'air de le surprendre. Il devrait pourtant y être habitué maintenant.

Je le vois souffler doucement, il doit penser qu'il est la cause de mon mutisme, mais ce n'est pourtant pas le cas. Je suis souvent comme ça : froide et sans vie ; même si j'ai l'impression que c'est de plus en plus récurrent. Il n'y a qu'avec ma famille et mes quelques amis proches que j'arrive à être plus chaleureuse. Je deviens alors enjouée et pleine de vie, ce qui peut parfois surprendre, l'effervescence de ma personnalité étant telle, qu'elle en devient insupportable.

J'ai simplement un besoin maladif de confiance avant de me livrer. Et même lorsque c'est le cas, il m'arrive de paraître distante. On me reproche de repousser les gens qui tentent de m'approcher. Mais je ne suis pas un animal, l'intérêt n'est pas de m'amadouer.

Perfect - Auto-éditéWhere stories live. Discover now