Samedi 20 octobre : 20H14 :

354 71 18
                                    

Samedi 20 octobre : 20h14 :

Alors que le ciel s'obscurcit et que les étoiles se mettent à sourire, je me suis assise sur le toit de mon immeuble. Une douce brise caresse ma peau, faisant hérisser les poils de mes bras et quelques mèches de mes cheveux châtains. Je m'allonge sur le sol en béton froid, observant la voûte céleste. Mes pensées s'emmêlent, s'entrechoquant presque, pour former un tourbillon, un véritable capharnaüm. Je n'arrive pas à réfléchir : le son de mes pensées est tellement fort que je ne parviens pas à me concentrer sur ne serait-ce qu'une pensée. Je me décide donc à me concentrer tout d'abord sur ma respiration. Je tente de contrôler chaque inspiration et chaque expiration. Sans succès. Le rythme de ma respiration finit par s'accélérer inconsciemment. Je finis par me concentrer sur les battements de mon cœur en fermant les yeux. Cela m'apaise. Chaque battement que je sens est un rappel que je suis toujours en vie. J'aime imaginer le sang couler dans mes veines. Bizarrement, cela me rappelle mon père...

Un souvenir d'enfance... Papa - enfin, je ne sais pas si je dois l'appeler ainsi, m'a appris à faire du vélo. Je me souviens que je tombais souvent. Trop souvent. Mes genoux étaient écorchés, abîmés, et ce, tout le temps. Mais, ensemble, nous passions du bon temps, et c'était l'essentiel. J'avais l'impression d'être importante pour lui à l'époque. En réalité, je n'étais rien pour lui.

- Hé ! Ne me dis pas que tu dors ! S'écrit Romain.

J'ouvre les yeux, souriante pour masquer ce moment de faiblesse. Je m'écris joyeusement à mon tour :

- Non, non, ne t'inquiète pas !

Romain me sourit franchement. Il a le sourire de travers, mais celui-ci donne un charme. Il s'approche, avant de s'installer près de moi. J'observe les reflets de la lune dans ses cheveux bruns. Puis, j'observe sa peau. Elle est illuminée, paraissant plus brillante et lisse qu'elle ne l'est en vrai. Romain tourne ensuite sa tête vers moi et je me perds dans ses yeux : à travers le brun de sa pupille, je distingue des tâches d'or et de vert, semblables aux plumages des oiseaux exotiques.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Je détourne mon regard, troublée de l'avoir fixé aussi longtemps sans m'en rendre compte. Mon cœur loupe un battement, probablement dû à l'adrénaline de l'instant. Je reprends mes esprits, déclarant qu'il n'y a rien. Il demande, visiblement impatient :

- Alors, on commence cette leçon ?

J'avoue ressentir un sentiment de pouvoir : il a besoin de moi pour apprendre à vivre pleinement. Je sais que je ne suis pas si sage, que mes conseils ne s'appliquent probablement qu'à moi. Mais je peux essayer. Nous pouvons toujours essayer. Un sentiment de culpabilité remplace celui du pouvoir. Je me sens coupable pour je ne sais quelle raison. Peut-être que c'est un signe de l'Univers. Peut-être qu'en aidant quelqu'un, j'aurais le droit à ma propre rédemption.

Je réponds :

- On va commencer par une loi simple que tu devras appliquer si tu veux que tout se passe bien : la loi de l'attraction. Quand tu auras compris ce principe, tout ira pour le mieux.

Et je lui explique. Il me regarde comme si j'étais une pythie qui connaissait l'avenir. Il n'en était rien. Lorsque j'ai fini, il s'allonge sur le sol, fixant les étoiles. Il ne dit pas un mot. Le silence devient trop embarrassant. Alors, je me mets à parler parce que c'est ce que je fais quand je suis gênée. Je parle. Je lui parle des étoiles. Des secrets qu'elles renferment. Et puis, je pointe le doigt vers une étoile :

- Ici, c'est la grande ourse. Elle est supposée briller plus que toutes les autres étoiles.

- Tu sais que t'es vraiment intéressante, Claire.

Instinctivement, je rougis. Je n'ai pas l'habitude des compliments, et encore moins de ce genre-là. Je suis la fille bizarre. Pas la fille intéressante. Je tente de masquer mes émotions, comme on le fait tous sans se l'avouer :

- Je suis loin de l'être.

- Un « merci » aurait suffi.

Il se redresse, son visage au-dessus du mien. Nos yeux se croisent. Je lève les yeux plus haut, vers les étoiles. Je déclare :

- Pourquoi on doit toujours dire « merci » lorsqu'un compliment que nous n'approuvons pas nous est fait ?

- Une question de politesse, je suppose, répond-t-il.

- Probablement.

Il se rallonge à côté, fixant la voûte céleste au-dessus de nos têtes.

- Pourquoi les artistes sont fascinés par les étoiles ?

- Parce qu'elles sont magiques, je murmure.

- Rien n'est magique.

- Tu recommences à être pessimiste.

J'ai l'impression de le voir sourire, là, dans le noir.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 27, 2021 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Les songes éternelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant