13. Les échos des craquements. (2)

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- Bien sûr, bien sûr, fit Folker tout bas.

Et il se trouva là, assis au milieu de ses corps dressés sur leurs deux jambes, seul. Le Chef s'en disparu à d'autres affaires. Groupés autour de Claes, les guerriers tantôt riants tantôt graves bavassaient tranquillement. Le jeune homme restait à l'écart au même titre que Fred et Martel, dont l'air brisé attestait l'humeur. Il lui parut étrange qu'ils aient un vécu commun depuis la veille, mais surtout qu'il les comprit en les voyant se distinguer de la foule. Seule la distance qu'ils mettaient entre eux rappelait que les atrabilaires sortaient peu avec les vantards. Dirk se trouverait bien au côté de Martel si son œil crevé ne l'obligeait pas à prendre un repos strict auprès de la guérisseuse.

Finalement, Folker se leva. A sa grande surprise, ce geste fut accompagné de quelques vivats, on vint d'abord lui taper dans l'épaule, "il se réveille" disait-on, puis on l'emmena plus loin dans le cercle et il termina face au nouveau maître-guerrier.

- J'ai cru que tu dédaignais la faveur que j'ai faîte à ton oncle, s'exclama-t-il avec étonnement. Folker se renfrogna quelque peu.

- Détrompe-toi, il n'y a que lui pour me faire pareille surprise en de telles circonstances. C'est son discours qui m'a renvoyé à mes pensées.

- Oh, et bien j'espère que toutes les harangues ne te font pas non plus cet effet-là, encore moins avant un combat. On est dans la mouscaille si mon bras-droit s'émeut si fort qu'il oublie tout c'qui l'entoure, s'esclaffa Claes. Pour la deuxième fois en une matinée, le jeune Ev'Meronn se sentit glacé en son for intérieur.

- Bien sûr, qui ne me connaît pas pour mes excès de sensibilité ?"

Un court instant de stupeur se fit sentir dans la foule vis à vis de sa soudaine hostilité. Quelqu'un se permit de commenter tout haut qu'il n'avait pas l'air dans son assiette depuis ce matin. Quant à Claes, il ignora si superbement sa pique que le jeune homme en resta muet de colère.

- Mes amis, appela le maître-guerrier, je sais que la journée a commencé sur un ton bien trop sérieux pour certains, et j'en vois qui trépigne déjà d'impatience mais pas d'inquiétude, Larry ne ferme pas sa salle avant tard le soir, donc restez encore un peu avec nous, le Chef veut que nous instaurions des rondes sans traînasser. Évidemment plus on mettra de temps, plus cela deviendra pénible pour tout le monde.

Folker était stupéfié par le dédain qu'il instillait à ses paroles. Si son tout nouveau supérieur avait été, comme lui, un membre de l'escorte, il n'irait pas dire que le temps nécessaire à la mise en place d'une surveillance était pénible. Au contraire, ce qui poussait son oncle à mobiliser les hommes, c'était la crainte. Et rien n'est assez bon lorsque la crainte est l'instigatrice de toute action. Finalement, il était peut-être la seule personne à avoir compris les intentions du Chef, et ne se priva pas de haïr ceux qui ne s'en donnaient pas la peine à leur tour. Il se tempéra assez vite lorsque ses aînés parlèrent : ils mettaient du sérieux à planifier les rondes, bien qu'ils se basaient sur les opinions arrêtées des vétérans. Avant, on devait faire comme ceci, comme cela, et ça suffisait. Mais ce n'était pas assez pour lui faire desserrer les dents : ni lui, ni Fred, ni Martel n'étaient consultés. De petits couloirs étaient laissés dans le cercle, chacun dans leur direction, pour leur laisser entrevoir la discussion. Certains semblaient conscients de leur nécessité dans le débat en cours, mais le maître-guerrier ne se tournait quasiment jamais vers eux. Ce fut de la sorte que les rondes furent planifiées : par groupe de trois, les hommes devaient faire le tour du village et des quelques pâtures alentour à deux reprises tandis qu'un autre trio faisait de même dans l'autre sens. Ainsi chacun pouvait vérifier que l'autre groupe n'était pas passé à côté de quelque chose. Si un revivant était aperçu, l'un des hommes s'empresserait de donner l'alerte au village et au Chef pendant que les deux autres observeraient les agissements du monstre. Jusque-là muré dans le silence, Fred interrompit l'entente, l'air exaspéré :

La Légende de Doigts GelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant