7. Les sanglots.

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Chapitre réécrit...

.oOo.

« Vous comprendrez, lucanien Sage, que je ne peux pas vous laisser entrer dans la forêt sans que vous m'ayez donné une bonne raison pour le faire, objecta le seigneur Asgeir, posant un regard grave sur le sorcier.

— Vous m'avez demandé de faire constat, sire, répondit celui-ci. Je vous réponds qu'il m'est impossible de vous en faire un à moins d'y entrer.

— Mais pourquoi vouloir y aller alors que vous connaissez déjà les risques ?

— Je ne vois pas d'autres solutions. Si pour remplir ma mission je dois vous contrarier, je le ferai, ce n'est pas ce qui me retiendra. Je peux aussi m'y rendre sans vous, mais pas seul. J'aurais besoin de vous emprunter quelques hommes pour continuer mes recherches, de cette manière vous ne serez pas forcé de m'accompagner. Et si j'encours un risque, je promets de vous rejoindre sur le champ. Néanmoins, et c'est un fait, je dois franchir la Frontière si je veux comprendre ce qui lui arrive, et rien de ce côté-ci ne me le dira.

— Décidément, je ne vous comprend toujours pas. Dites-moi exactement ce que vous voulez faire, exigea le châtelain, toujours sceptique.

— Je dois chercher la trace de sa fondation pour me faire une idée de son état actuel. Vous n'êtes pas sans savoir que la qualité d'une fondation est ce qui garantit la tenue dans le temps d'un édifice ou d'autres choses. Pour ériger la Frontière, il a fallu un sceau. Or, les sorts comme celui-ci ne sont effectifs qu'en-dedans de l'espace délimité par le sceau. Cela signifie que le sceau se trouve à l'intérieur du sort, ou à proprement parler, à l'intérieur du périmètre affecté par le sort. Je ne peux donc pas comprendre ce qui arrive à la Frontière sans inspecter son sceau, de même que je ne peux pas vous faire de rapport sans entrer dans la forêt.

— Peste ! Plus j'entends parler de cette histoire de brouillard, et maintenant de sceau, plus j'ai l'impression que la sorcellerie se retourne en ce moment contre nous !

— Il est difficile de vous contredire, sire...

— Pouvez-vous au moins nous garantir que cela ne vous prendra pas longtemps ?

À cette question, le Chef d'Hekar prit ombrage.

— Sir, vous n'allez tout de même pas le laisser faire. Il est aussi question de notre sûreté !

— En vérité, non, répondit alors le lucanien. Mais compte tenu de votre inquiétude, je ferais aussi vite que possible. »

Le seigneur Asgeir le fixa longuement. Bien qu'il montrait de l'assurance, le sorcier semblait comprendre les réticences de son hôte et du Chef, à qui il jetait quelques regards contrits. Mais c'était du châtelain qu'il attendait une réponse. S'il coopérait, le sorcier pouvait miser sur l'accomplissement de sa mission, et les autres n'auraient qu'à suivre leur maître. Plus il y aurait de monde autour de lui, moins une incursion dans la forêt lui semblerait être une aventure hostile, voire irraisonnée. Que l'escorte ne le suive pas, et il se trouverait bien embarrassé. Entre autre, ne l'avait-elle pas accompagnée dans le but de le protéger ?

De son côté, Elke était désemparée. Le lucanien Sage montrait un tel sang froid qu'il lui était difficile de ne pas lui être envieuse. Pourtant, elle n'aurait voulu le suivre pour rien au monde, et elle voyait à l'expression des villageois et des soldats qu'elle n'était pas la seule à le penser. À cet instant, elle trouva inattendue que toute l'expédition repose sur la bravoure d'un seul homme, un étranger qui plus est.

« Je ne pensais pas cela réellement nécessaire, soupira le seigneur Asgeir.

— J'en suis navré, sire. Sincèrement. »

La Légende de Doigts GelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant