💕 CHAPITRE 36 💕

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Ce qui s'annonçait être la plus belle soirée du palais été devenue en l'espace de quelques heures, la soirée la plus chaotique que le palais avait connu. Le Roi Valentin, cloîtré dans ses appartements, à l'abri des regards avait disparu aussi rapidement que les gardes royaux étaient arrivés dans la grande salle des fêtes au moment même où le Prince tombait dans les bras de la Princesse, s'étouffant dans son propre vomis de sang. La Princesse quant à elle et contre toutes attentes, semblait mener l'intégralité du palais à la baguette comme si toute sa vie ne reposait que sur ce moment précis. En réalité, Méryl était tout simplement désespérée. Aucune réponse ou fraction de réponse que l'on pouvait lui relayer ne semblait la satisfaire et son esprit, toujours plus avide, s'était décidé à élucider le mystère planant sur les récents événements par lui-même.

Le matin commençait à peine à se lever, annonçant une journée qui promettait d'être couverte, et la Princesse était encore debout, au chevet de son époux que le médecin de la cour avait déserté sous prétexte qu'il ne pouvait rien faire d'autre. Elle le ferait pendre une fois que tout ceci serait passé. Pendre haut et court. Mine de rien, Méryl savait qu'elle ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre tout en restant dans son impuissance. A chaque fois qu'un garde ou qu'un domestique la voyait apparaître au bout d'un couloir ou à travers une porte, ces derniers le fuyait en courant comme si elle portait la peste. Les gardes n'avaient pas su comprendre ce qui était arrivée au garçon d'écurie ni même avoir plus amples informations sur la personne avec qui il discutait précédemment, mais une chose était certaine, il y avait effectivement un assassin qui se promenait librement à cette heure. Assassin qu'elle ne trouverait probablement jamais et l'idée que cela puisse réellement arriver la rongeait déjà de l'intérieur. Elle s'était donc rapprochée des appartements du Prince, espérant une quelconque amélioration de son état mais tout ce qu'elle vit fut un homme ayant le teint plus blême que celui d'un cadavre, la respiration lourde et difficile comme si à chaque inspiration, son corps tout entier recherchait le peu d'air qu'il pouvait trouver. «Le plus difficile est passé» qu'il disait, mais comment le croire quand une telle vision se présentait à vous ?

- Sachez que si vous mourrez, je vous maudirez, fit Méryl assise près du lit.

Pendant cinq ans et à de très nombreuses occasions, Méryl s'était surprise à souhaiter discrètement, dans un coin intime et privé de sa tête, la mort de son époux. A chaque réprimande, à chaque regard de travers, à chaque rencontre, elle l'avait souhaité toujours plus ardemment car elle savait que si James venait à mourir, alors elle serait libre. Celui qui représentait tout ce qu'elle détestait, l'ordre et la royauté, été aussi celui qui détenait la clé de sa libération future, loin, très loin de cette cage dorée.

Mais alors qu'elle se tenait au plus près de ce qu'elle souhaitait, Méryl se retrouva incapable de sauter le pas.

- Vous n'imaginez pas à quel point cette situation est frustrant. Tout comme vous. Tout en vous, l'est d'ailleurs. A maintes reprises j'ai cru réussir à me débarrasser de vous, à vous faire comprendre que même si nous y mettions toute la volonté du monde, nous n'étions tout simplement pas fait pour nous entendre, mais vous n'en avez fait qu'à votre tête. Vous vous accrochez pour une raison qui m'échappe sincèrement. Non pas que je ne veux pas la comprendre, mais...

Ce n'est qu'en entendant la porte de la chambre s'ouvrir que Méryl s'arrêta, voyant la petite Colette passer une tête.

- Votre Altesse... Vous n'avez pas dormis de la nuit, peut-être devriez-vous au moins vous reposer.

- Je te remercie, mais je serais bien incapable de trouver le sommeil ou de rester tranquillement allongée.

- Puis-je au moins vous apporter quelque chose à manger ? Vous ne pouvez pas non plus demeurer le ventre vide si vous voulez continuer à arpenter les murs du palais.

- Dans ce cas, va pour quelque chose de léger, fit Méryl comme si elle se rendait devant Colette.

- Voulez-vous que je vous apporte votre repas ici ou préférez-vous le prendre dans votre chambre, Votre Altesse ?

Pendant un instant, Méryl regarda son époux comme s'il agonisait de son côté, attendant que la mort ne vienne l'accueillir à bras ouverts. «Le plus difficile est passé» avait-il dit, mais le plus difficile semblait encore à venir.

- Oublie mon repas, peux-tu aller me chercher des coussins ainsi qu'un pichet d'eau s'il te plaît ?

- Tout de suite, Votre Altesse.

Colette partie comme si elle avait le feu aux fesses et il n'était pas difficile d'entendre ses petits pieds courir à travers le couloir jusqu'à s'éloigner le plus possible.

- Si quelqu'un doit vous tuer, James Catawey, cela ne peut être que moi et je refuse qu'il en soit autrement. Alors vous allez vivre, vous m'entendez ? Vous allez vivre tant que je serais à vos côtés, et ce, jusqu'à ce que je vienne à ne plus vous supporter.

Méryl s'installa dans le lit, s'adossant un maximum à la tête de lit et prit James dans ses bras afin de lui redresser le visage. Ce simple geste semblait avoir pour effet de dégager ses voies respiratoires, lui rendant l'exercice moins pénible.

- Je suis certaine qu'un jour viendra où nous nous amuserons de tout cela. Vous et moi, ces jours passés à se côtoyer, cette horrible soirée... Mais avant, j'ai besoin que vous respiriez pour moi. J'ai...

Pouvait-elle le dire ? Non. Pouvait-elle l'avouer ?

- J'ai besoin que vous viviez pour moi, James. Si vous m'aimez, si c'est là vos sentiments les plus sincères, prouvez-le moi et vivez. Je ne vous demanderai rien de plus et je n'attendrais rien d'autre de votre part. Je veux simplement que vous viviez pour moi.

Méryl avait passé la plus grande majorité de son temps de jeune fille à attendre. Attendre que le monde vienne à elle. Que celui-ci se mette brusquement à changer. Que quelqu'un ne vienne la sauver. Que son rêve puisse se réaliser, mais jamais elle n'avait songé à prendre les choses en main car jamais elle n'avait pensé en avoir le pouvoir. Elle était resté cette petite fille à qui tout le monde disait quoi faire, quoi penser, quoi dire, comment se comporter, jusqu'à devenir cette image dont elle se servait «la Princesse Casanova». Elle vivait à travers les récits et les aventures d'autrui et s'en était nourrie afin de se construire. Cependant, cela ne pouvait durer éternellement. Si cette image fantoche n'était qu'un moyen de plus pour aller contre le sens et déjouer les plans de son père, Méryl s'était en réalité trouvé un allié dans un mariage qu'elle n'avait point désiré.

Peu importait les promesses faites aux morts ou bien même celles faites aux vivants, elle savait qu'il ne lui suffirait que de lui dire un mot et un seul pour qu'il la laisse s'en aller en franchissant fièrement les portes du palais.

Au fil de ces derniers jours, la Princesse s'était également trouvé un ami. Chose qu'elle ne possédait pas encore, mais dont énormément de gens autour d'elle étaient riches. Un ami qui la soutenait, la comprenait et qui disait l'aimer. Comme cela paraissait encore étrange quand elle y repensait car qui deviendrait ami avec son époux, sa femme ? Quel couple politique se reposerait, non pas sur leur serment mutuel, mais sur leur amitié naissante ? C'était ridicule. Ridiculement plaisant en réalité.

Elle ne voulait pas l'avouer, mais elle refusait néanmoins de se mentir plus longtemps le concernant.

- Je promets de vous écrire une longue et ennuyeuse lettre comme vous le souhaitiez, pour vous dire tout ce que j'ai sur le coeur si vous promettez de vous en remettre. Donnez donc tort à tous ces gens qui ne pensent que vous n'êtes qu'un gratte-papier, montrez leur ce que vous m'avez à maintes reprises montré. Prouvez-moi que j'ai raison d'espérer...

Princesse Casanova - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant