💕 CHAPITRE 40 💕

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Sur les conseils bien avisés d'Elian, Méryl avait regagné l'enceinte principale du palais, profitant des quelques minutes de marche la séparant de ses appartements pour réfléchir à tout ce qu'il venait de se passer, à tout ce qu'il venait d'être dit. Même si la colère était encore présente, Méryl savait qu'elle ne pouvait se laisser gouverner par ses émotions quand bien même cela serait tentant. Il lui fallait se calmer et retrouver le fil la conduisant vers le chemin de la raison, ce même chemin qu'elle avait égaré il y a de cela cinq années. Certes, elle pourrait fuir, comme elle en avait toujours rêvé et comme elle l'avait toujours souhaité, mais Elian avait raison : Elle finirait indéniablement par laisser quelque chose derrière elle. Pire, quelqu'un.

Et ce n'est qu'en se retrouvant devant la porte des appartements de son mari qu'elle comprit que son corps l'avait machinalement conduit ici tandis que son esprit naviguait encore dans le brouillard. Elle était revenue jusqu'ici comme si cela était une habitude qu'elle avait prise alors que jusqu'à récemment, Méryl n'avait jamais mis les pieds dans cette partie-ci du palais. Non, elle avait réussit à l'éviter et avec succès il fallait l'avouer car ce n'est que depuis l'incident et ayant franchit la porte des appartements qu'elle remarqua le manque cruel de bon goût de son époux. La chambre de James était à peine meublée si ce n'était du strict nécessaire : un lit, deux tables de chevet, diverses armoires et autres meubles de rangement, une petite table ainsi qu'un divan. Il n'y avait rien d'autre. Aucune décoration, aucun signe ostentatoire qui prouverait que James avait fait de ce lieu, le sien. Rien. Cette chambre manquait de couleurs, mais pas seulement. Elle manquait de vie. C'était comme s'il savait, depuis le début, qu'il n'y resterait pas. Evidemment qu'il devait le savoir, le Roi avait dû s'assurer de lui faire comprendre ce qu'il attendait de lui. Il n'était Prince que de titre et pourtant, il était peut-être bien le seul dans cette folle famille à mériter plus que quiconque sa place sur le trône.

- Je me demande bien ce que vous savez d'autre et que moi j'ignore encore, avoua-t-elle en s'installant au pied du lit, Toutes ces années à devoir jongler entre une Princesse qui n'en a que faire et un Roi vous en demandant toujours trop. Quelle image de la famille parfaite !

Mais cela pouvait expliquer tellement de choses. La débâcle de la nuit de noce, ces années passées à s'éviter et à n'échanger que pour faire miroiter un avenir prometteur au Roi et aux nobles de son côté. C'était à peine si Méryl réalisa enfin que tout jusqu'à présent avait été fait pour qu'elle puisse vivre sereinement, dans son monde de romances, de roses et de folles anecdotes.

- Vous m'aviez fait promettre qu'il n'y aurait plus de secrets entre nous. Plus de mensonges. Que si l'un ou l'autre avions des choses à dire et que cela nous paraissait trop compliqué, nous pourrions nous écrire, mais j'ai l'impression que même vous écrire me paraît être une tâche insurmontable car je ne saurai par où commencer. J'ai entendu des choses aujourd'hui, des choses déplaisantes. J'ai compris des choses également et honnêtement, je suis en colère. Pas contre ceux qui ont proférés des mots blessants, mais contre moi-même car j'ai réalisé à quel point je vivais dans l'ignorance. Je m'en veux d'être ignorante et de ne pas être plus sage. Je m'en veux d'avoir vécue toutes ces années à maudire les mauvaises personnes alors que d'autres complotaient dans mon dos. Je m'en veux d'avoir vécue reclus et d'avoir accepté de continuer à vivre ainsi. Pourquoi sommes-nous comme ça vous et moi ? Pourquoi avons-nous attendu toutes ces années pour faire un pas l'un vers l'autre et ne pas l'avoir fait plus tôt ? Peut-être que si nous l'avions fait, alors je ne serai pas tiraillée entre deux choix infernaux.

Partir ou bien rester.

Si elle partait, Méryl savait qu'une nouvelle vie l'attendait, prête à l'accueillir à bras ouverts. Elle ne serait alors plus cette petite fille n'ayant jamais réellement grandie, enfermée dans sa prison dorée que tous pouvaient jalouser de loin. En revanche, si elle restait, il y avait encore tant d'épreuves qui l'attendait au tournant, tant de gens auxquels elle serait confrontés, tant de combats qu'il lui faudrait mener et tout ceci paraissait épuisant.

- Je ne sais pas quoi faire, sanglota-t-elle dans l'obscurité et le silence de la chambrée.

A dire vrai, elle n'avait jamais su réellement quoi faire. Elle n'était ni une grande intellectuelle capable d'avoir sur ses pairs trois ou quatre coups d'avance, ni même une combattante hors pair pouvant mener deux combats d'affilés sans se retrouver essoufflée. Elle était juste dans la moyenne de ce que l'on pouvait attendre d'une jeune fille de son âge. Certes, elle avait reçu des cours sur tout ce qu'elle devait savoir et toute son éducation avait servit le seul et unique but de faire d'elle une Reine un jour prochain, mais plus le temps passait, moins Méryl souhaitait être un jour couronnée. La couronne lui faisait peur, en connaissance de cause. Elle se savait non prête à affronter la nation toute entière comme elle se savait incapable de refuser quoique ce soit à un Père qu'elle a toujours craint. Parfois, le visage blême de sa mère, allongée dans son cercueil ouvert au coeur de la chapelle se situant à côté du palais, lui revenait en pleine figure comme pour lui rappeler de ne jamais oublier la promesse qu'elle lui avait faite. Celle de fuir, à la première occasion, cet enfer étouffant.

Fuir le plus loin possible. Hélas, cela ne lui était guère permit maintenant que James s'était révélé à elle comme son plus grand allié. Pouvait seulement le fuir, lui ?

Colette lui avait dit que si elle venait à partir, James serait celui qui la retrouverait même si pour cela, il lui fallait retourner le continent tout entier. Cinq ans en arrière, elle n'aurait jamais cru à de telles paroles, mais aujourd'hui il lui fallait faire face à la vérité : Colette avait raison. Bien que les mots pouvaient trahir de bien des façons, Méryl avait eut bien des preuves ces derniers jours concernant les sentiments de son mari. Ce moment dans le carrosse, ces petits gestes anodins du quotidien, ces caresses légères qu'il lui avait volées ici et là à la moindre occasion qui s'était présentée. Le physique, lui ne trahissait jamais. C'était comme si leur corps se découvrait et s'apprenait. Comme si deux planètes, gravitant l'une autour de l'autre, ne faisait que se rapprocher dangereusement avant d'entrer irrémédiablement en collision. Comme si tout ce qui se passait était incontournable et devait se passer.

Malheureusement, Méryl savait qu'elle devait se détourner de cette trajectoire avant de plus être capable de faire demi-tour. Les mots du Roi s'étaient ancrés en elle de façon si profonde, qu'elle ne pouvait les oublier. Aimer James...poursuivre cette relation la conduirait indéniablement sur le chemin que son père désirait. Un jour ou l'autre, un enfant viendrait à naître, donnant alors à la lignée des Valentenzia, un nouveau souffle de vie. Cela, elle ne pouvait pas le permettre. La lignée, ces années de règne, tout devait prendre fin avec elle. Non pas qu'il s'agisse d'une famille maudite, mais il y avait bien trop de choses qui avaient causés du tort et du mal à bien trop de personnes différentes et innocentes à ce monde qu'est la royauté que cela devait s'arrêter.

Il n'y avait qu'une seule façon pour Méryl de poursuivre sur sa lancée sans avoir besoin de quitter le palais. Elle devait détruire tout ce qu'elle s'était efforcé de construire ces dernières années. Aussi bien sa réputation, ses projets, son mariage. Tout. Pierre par pierre, elle enlèverait au royaume et à elle-même, toutes ces choses qui la composait et qui faisait d'elle la Princesse qu'elle était. Certes, c'était sans nul doute la pire idée qu'il lui a été donné d'avoir, mais présentement, Méryl était à court d'idée grandiose et fabuleuse. Tels les contes de fées qu'elle chérissait tant enfant, si elle ne pouvait avoir sa fin heureuse alors autant devenir la sorcière terrifiante et méprisante. Autant transformer chaque rêve en cauchemars et chaque brin d'amour naissant en une amer illusion. C'était là tout ce qu'elle pouvait faire.

Séchant les larmes s'écoulant sur ses joues d'un revers de la main, elle quitta les abords du lit et s'approcha de James. Il ne devra jamais savoir ni même se douter. Il ne devra jamais espérer car l'espoir était tout ce qui l'avait conduit jusqu'ici. L'espoir était tout ce qui l'avait fait tenir.

- Pardonnez-moi. Je vous en supplie, pardonnez celle que je deviendrais.

Embrassant son front, Méryl finit par quitter la pièce, laissant derrière les portes fermées probablement tout ce qui la composait.

Néanmoins, ce que l'on ne sait jamais des sorcières dans les contes de fées, c'est qu'elles finissent également par rencontrer leur prince charmant venu les sauver de leur démon comme de leur tourment. 

Princesse Casanova - Tome 1Where stories live. Discover now