Des Accrocs (1/2)

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De retour dans mon écrin de verdure mosellan, à l'ombre du château de Ramstein, je ne pris pas le temps de me poser pour ranger les reliques poussiéreuses que m'avait conservé pieusement tante Apolline : une tripotée de films de loups-garous, pour la plupart des nanars à consommer avec modération, ainsi qu'une encyclopédie des polymorphes qui, sans doute très rare et recherchée au pays de la naphtaline, finirait un jour ou l'autre à stagner dans les tréfonds d'eBay.

Je me ruai comme un fou sur mon ordinateur chevrotant, patientant qu'il s'allume une choppe au poing avec, en tête, un petit florilège de mots clés à taper - si et seulement si le site ne s'affichait pas. Tout d'abord, des recherches sur le groupuscule, puis sur le cycle menstruel de la lune. Enfin, je localiserais cet Antre de la Bière. J'improviserais sans doute une fois là-bas. Au pire, j'observerais de loin, pour savoir de quoi il en retournait. J'espionnerais. C'était toujours mieux que de passer une énième soirée à jouer en réseau avec des lycéens, peu soucieux de l'appel des devoirs.

Alors que mon ordinateur pédalait dans la choucroute, j'imaginai une petite guerre vampires versus loups-garous de bon aloi, sur fond de hacking intempestif : de véritables chochottes ! Pourquoi ne pas s'affronter avec les poings ? Les crocs ? Ce ne sont pas les terrains de jeux qui manquent dans les environs, pour s'entretuer. Ici, à Bearenthal, un secteur fort boisé, de nombreux recoins permettent de s'exprimer en toute impunité : de même que dans l'espace, personne ne peut entendre une victime crier. La présence d'un étang permet même de laver des giclées de sang trop abondantes, suite aux effusions du deathmatch !

Perdu dans le fil de mes pensées, une petite peur s'invita à moi : la Moselle, non contente d'avoir la forme d'un service trois-pièces écrabouillé, est un département très étendu, tout en longueur. Et si cet Antre de la bière se trouvait à l'autre bout ? S'il fallait se coltiner plus de cent kilomètres pour l'atteindre ? Ce fut donc ma première recherche ! Hélas, je ne trouvais rien qu'un Antre de Bière, à perpette : Saint Privat la Montagne, rue de la Petite Flamée. Pas de quoi s'enflammer : juste un producteur. Agacé, je multipliais les recherches, à dessein. Inconnu au bataillon. Avec un nom aussi générique : qui l'eût cru ?

Avant de conclure que le prospectus datait forcément de Mathusalem, j'effectuais ma recherche principale, vu que le site internet lescrocsbientranchants refusait toujours de s'afficher. Aucune histoire de loup-garou dans les parages, nul ragot, point de légendes urbaines, ou de mythonnage en bonne et due forme : le constat était sans appel ! Quant aux vampires, du pareil au même : aucune trace ! En revanche, des rumeurs d'ovni, en veux-tu en voilà, pullulaient de toute part, photos floues à l'appui - et rien d'autre !

Pourtant, les sites internet existaient. Mais personne n'en parlait, ne serait-ce que pour insulter ses soirées, à la manière des critiques du dimanche sur Tripadvisor, tout juste bon à verser leur bile. Point d'occurrence sur les déversoirs que sont les réseaux sociaux. Nada. Raisonnement par l'absurde : et si tout cela était vrai ? Et si ces fraternités que tout oppose, à part le goût du sang, existaient vraiment ? Et si, derrière elles, des créatures polymorphes, prêtes à tout s'agitaient dans l'obscurité des nuits campagnardes ? Cela expliquerait bon nombre de disparitions mystérieuses, surtout dans le coin. 

Alpha, Bêta et Meute de FoinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant