Loup y es-tu ? (1/3)

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Si le rendez-vous avec Paul avait lieu à vingt-deux heures trente devant la piscine municipale de Bitche, je ne pus m'empêcher d'aller fureter quelques rues plus loin pour constater l'existence de l'Antre de la Bière. À défaut, il me serait possible de faire volte-face et de poser un lapin à Paul, histoire d'économiser quelques piécettes si d'aventure il proposait d'aller stagner dans un autre bar. Honnêtement, je n'avais pas vraiment envie de tailler la bavette avec lui, encore moins de subir son étalage de bonheur pestilentiel.

Plongé dans une obscurité suspecte, évoquant plus un lupanar suranné qu'un bar tendance où se ruinent les jeunes, l'estaminet ne payait pas de mine : cosy, tranquille, loin de ce que j'imaginais. Une demi-douzaine de quidams gravitaient mollement autour du bar, toutes les tables étaient inoccupées : voilà qui promettait une ambiance du tonnerre ! Après, c'était un jour de semaine. Pourquoi ne pas céder aux sirènes écœurantes de l'optimisme et imaginer qu'il serait plus facile de percer à jour le clan dans une salle vide, plutôt que bondée ?

Je rejoignis le point de chute sans plus attendre pour découvrir que cette andouille de Paul n'était pas venu seul ! Une grande saucisse blonde l'accompagnait. Un mec fragile, au corps de lâche : soixante kilos tout mouillé, pour un mètre quatre-vingt-dix-sept ! Soit 30 kilos de moins que moi, alors qu'il était à peine plus grand. Avec un petit sourire en coin, Paul me présenta son coton-tige attitré, avec lequel il formait une sorte de paire que n'envieraient pas tous les Laurel et Hardy de la terre : le frère de la délicieuse Sarah.

Niveau discrétion, j'étais verni : lorsque nous pénétrâmes la tanière de la bière, tous les yeux se rivèrent sur nous. Certains sourires en coin en disaient long sur la façon dont nous étions considérés : des hurluberlus. Alors que je désirais m'installer au bar, dans l'espoir de glaner quelques informations en dressant l'oreille, Paul et sa saucisse se ruèrent sur une table. Je dus me résoudre à les accompagner. Nous échangeâmes alors quelques banalités et je ne mis pas longtemps à comprendre que la saucisse, répondant au prénom de Jacques, avait une vie bien plus sympathique que la mienne : une nana, un loft et le flouze qui va avec, histoire de tuer le temps, en attendant mieux bien sûr.

Pourtant, il avait bien l'allure du looser typique avec son corps mal branlé, son immense pif, un tubercule vissé sur une tronche ingrate et émaciée, une bouche fine comme deux petites crêpes peu appétissantes, des yeux marrons inexpressifs comme une flaque de boue un soir d'automne. Ses vêtements stricts, du genre businessman coincé du fondement, m'évoquaient un défilé de mode de mormons verruqueux. 

Alpha, Bêta et Meute de FoinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant