20 Pour Sang

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Les yeux rivés sur son inséparable carnet, Agathe vagabonde à l'extérieur du manoir sans but précis. Elle griffonne tantôt avec du bleu, tantôt du rouge, et mordille le bout de ses crayons sans regarder où elle va.

Agathe est le genre de personne à cent fois préférer rester seule que de compagnies qu'elle n'apprécie pas. Elle a même du mal à considérer que pour certains il puisse en être autrement. Le plus dur pour elle en arrivant ici a sans doute été de s'accoutumer de la présence d'autant de personnes autour d'elle. Cela fait presque cinq mois qu'elle a atterri ici, et elle ne s'y est toujours pas fait.

Elle lève la tête de son carnet au moment où son crâne allait heurter une partie de l'escalier en colimaçon. Elle s'arrête net et fait un pas de côté, poursuivant sa route comme si de rien n'était. Elle en a l'habitude.

Affalé contre le mur Est, Agathe aperçoit soudain la silhouette de Raphaël. Le visage baissé vers le sol, Agathe reconnaîtrait ses cheveux dorés entre mille.

Elle s'approche, un peu hésitante. Le jeune homme semble inspecter avec minutie son genou droit, Agathe ne perçoit pas immédiatement ce qui cloche.

Le blond pousse un grognement de douleur, Agathe appelle :

- Raphaël ?

Le garçon relève la tête, s'il est surpris de découvrir la jeune fille, il ne le montre pas.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

En s'approchant, elle retient une grimace en découvrant le genou de Raphaël.

Un endroit de sa chair est surélevé et maculé de sang, comme si l'os était là, tout près, et n'attendait qu'un geste pour sortir.

Agathe commente :

- Ce n'est pas très joli à voir...

- Ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas.

La brune remarque immédiatement que le sourire qu'il affiche est crispé. Il semble souffrir le martyr.

Elle s'agenouille près de lui, se force à inspecter la blessure.

Raphaël le comprend, il cherche à l'écarter.

- Tu n'es pas obligée de regarder...

- Je suis un peu sensible à la vue du sang, admet Agathe. Mais tu ne peux pas soigner ça tout seul. Je vais t'emmener voir Jennifer.

- Ce n'est pas grand-chose... Je n'ai qu'à recouvrir la blessure pour éponger le sang.

À ces mots, Raphaël semble chercher des yeux quelque chose. Agathe commence alors à déblatérer dans tous les sens, Raphaël retient des mots comme « tu ne peux pas rester là », « je vais t'aider », « je vais chercher Jennifer elle va te soigner avec ses talents d'infirmière »...

Agathe s'arrête brusquement lorsque Raphaël retire son tee-shirt et l'appuie contre sa blessure.

Les joues de la jeune fille deviennent immédiatement rouges cramoisies et son regard se dirige partout, sauf sur le torse du jeune homme.

- Je ne... Tu... Et le... Que... Tu...

Elle se tait, décidant d'arrêter le massacre.

Raphaël prend conscience de la situation en découvrant la rougeur des joues d'Agathe.

- Euh je... D'accord, tu devrais m'amener à l'infirmerie...

Agathe opine du chef en déglutissant difficilement et passe un bras sous celui de Raphaël pour l'aider à se relever.