Erevia: Fragments du passé

XI

Ils passèrent une longue partie de la nuit à discuter,surtout du cas d'Elionne. Celui-ci acceptait d'aider Alessandre àexterminer les créatures des ombres, en signe de rédemption. Maisil refusait d'en dire plus sur ses alliés éventuels. Le conseillercéda. Les jours suivants, Alessandre et Elionne les passèrent dansles montagnes, visitant village après village, fouillant chaquerecoin afin de débusquer et éliminer les créatures.

- J'ai l'impression que plus on en élimine plus il en vient, dit un jour Elionne.

- Peut-être, mais c'est la seule chose que je peux faire pour apaiser un peu ma colère.

- Cela risque d'être long avant qu'elle ne soit éteinte.

Il fit un mouvement de son bâton vers trois créaturesqui s'enfuyaient et les fit voler en fumée alors qu'elles setrouvaient à plus de six mètre.

- Si au moins tu acceptais que je t'apprennes à te servir de tes pouvoirs, tu gagnerai un temps précieux, crois moi.

Ils avaient déjà eu cette discussion de nombreusesfois auparavant. Alessandre avait toujours refusé d'apprendre quoique ce soit. Elionne avait eu beau argumenter encore et encore, ils'était montré inflexible. Mais au fil des jours il était devenuévident que le sorcier était bien plus efficace que lui dans lachasse aux créatures. Alessandre s'était plus d'une fois senticéder. Cela ne coutaît rien d'apprendre. Il pourrait toujoursrenoncer à utiliser ses pouvoirs une fois que tout serait terminé.

- D'accord, dit-il. Montres-moi.

- Suis-moi.

Il l'entraîna dans la forêt qui bordait le villagequ'ils venaient de nettoyer. Arrivé à la lisière des arbres, il setourna vers Alessandre.

- Commences par t'asseoir. En tailleur, à même le sol. Nous allons faire un premier exercice très simple. Fermes les yeux et respire calmement.

Alessandre s'exécuta. Il s'assit au milieu des arbres.Fermant les yeux, il se focalisa sur sa respiration. Il attendit,longtemps. Puis il rouvrit un œil.

- Et après ?

- C'est la base, lui répondit Elionne, qui avait adopté la même posture. Tu dois apprendre à sentir l'énergie qui circule en toi. Et la première chose à faire c'est de faire le vide dans ton esprit.

- Donc, pendant que des monstres sont libérés, pendant que des villages sont détruits, moi je m'assoies par terre et j'attends.

- Tu veux pouvoir être efficace dans ta chasse aux monstres ?

Alessandre souffla et se reprit sa pose. Il attenditencore. Le souvenir de la salle sous le lac remonta dans son esprit.Il se remémora les sensations qu'il avait éprouvé là bas. Paix,bien-être... Alessandre résonna une voix.

- Tu as parlé ? Demanda-t-il à Elionne

- Non, rétorqua celui-ci.

Alessandre se reconcentra. Jusqu'à ce que la voix résonne à nouveau dans sa tête Alessandre. Il rouvrit les yeux. A quelques mètres juste en face de lui, un peu derrière Elionne, il la vit. La créature qui lui avait bondit dessus lapremière fois. Il ne saurait expliquer comment il pouvait lareconnaître, alors que toutes ces choses se ressemblaient, mais il savait. Il observa les yeux d'émeraudes luisant sur le corps aux couleurs de la nuit. Prudemment, le jeune homme se releva. Elionne voulut l'interpeller mais il le fît taire d'un geste. Il s'avançavers la chose. Mais au moment où il dépassa son ami, elle disparu.Il chercha autour de lui, balayant les arbres du regard. Rien.L'avait-il rêvé ? Il se rassit et reprit son exercice, maisson esprit était perturbé. Il ne parvint pas à se calmer. Il finitpar abandonner après une demi-heure d'essai infructueux. Ilpassèrent le reste de la journée à débusquer des monstres dans levillage avant de rentrer.

Le lendemain, de retour dans les montagnes, Elionne remit Alessandre à l'entraînement. Ils passèrent la matinée assis, le plus immobile possible. Les premières heures furent trèsdifficile pour Alessandre qui n'avait pas l'habitude de rester assissans rien faire. Elionne lui disait sans cesse de se concentreruniquement sur sa respiration et de ne penser à rien d'autre. Alessandre avait du mal. Les pensées allaient et venaient sans qu'ilait de contrôle sur elles. Et il avait envie de continuer sa chasseaux monstres. Pourtant, à force de volonté, peu avant midi, il parvint tant bien que mal à dompter son esprit. Il se força à rester concentré aussi longtemps qu'il le pouvait, se focalisant sur sa respiration. Alors qu'il approchait de sa limite, il ressentit autre chose de beaucoup plus ténu, presque imperceptible, traverserson esprit. Et alors qu'il se concentrait pour essayer de comprendre ce que c'était, la sensation s'envola. Cela avait duré à peinequelques secondes. Il rouvrit les yeux et vit Elionne quil'observait.

- Tu l'as resenti ?

- Ressentit quoi ? La sensation bizarre dans la tête ?

- Elle n'est pas que dans ta tête, mais dans tout ton corps. C'est le flux magique qui s'agite en toi, ce que nous appelons aura. Avec le temps tu arriveras à le ressentir en permanence et à le contrôler. C'est ce qui te permet de chasser ces choses et de les tuer. A terme, tu pourras faire des choses comme ça.

Elionne pointa le doigt sur un caillou qui se trouvait là et aussitôt, le petit bout de roche se souleva du sol pour venirse poser dans la paume de sa main. Alessandre observait, partagé entre une fascination nouvelle et la répulsion qu'il avait acquiseau fil des années pour la magie.

- On ne devrait pas pouvoir faire cela. C'est contraire à l'ordre naturel des choses.

- Parce que tu es suffisemment érudit pour savoir ce qui est de l'ordre naturel des choses ? Ou tu te contentes de réciter ce que l'on t'a appris ?

Alessandre ne répondit pas, considérant le caillou posé dans la paume de son ami.

- Cela t'a pris combien de temps pour réussir à faire ça ?

- Pas si longtemps. Peut-être quatre mois.

Alessandre déglutit en entendant la durée. Cela lui paraîssait une éternité.

- Et à propos de ce qu'il s'est pasé à la prison.

- Ah ça ? Aussi loin que je m'en souviennes, j'ai toujours eu ce pouvoir. Aucune arme, aucun coup ne peut m'atteindre. Cela a l'air génial dit comme ça, mais cela a aussi ses côtés pesants.

- Je pourrais l'avoir aussi un jour ?

- Je ne crois pas. Parmis mes compagnons, je suis le seul à pouvoir le faire. Il semble que nous ayons tous des capacités qui nous soient propres.

-Qu'est-ce qu'ils peuvent faire, eux ?

Elionne le regarda en souriant.

- Tu le sauras quand les rencontreras. Allez, il est temps d'aller chasser du monstre.

Ils passèrent l'après-midi à traquer et détruire lescréatures, purgeant le village dans lequel ils se trouvaient.

Le soir venu, ils reprirent le gilgrin et rentrèrent àla ville. Après un rapide repas, Elionne invita Alessandre às'exercer de nouveau à ressentir son aura. Le jeune homme s'installadans la position que lui avait enseigné son ami, mais au bout d'uneheure, il n'avait toujours pas retrouvé la sensation fugace qu'ilavait eu dans la matinée. Epuisé par sa journée, il stoppa sonentrainement.

-Ce n'est pas grave, le rassura Elionne. Ne cherches pas à la retrouver à tout prix. Laisse la revenir naturellement.

Déçu de son échec, Alessandre se coucha et s'endormien se promettant de réussir à maîtriser cette aura le plus vitepossible.